Organe essentiel à la vie de tout être humain, mais aussi organe dont les fonctionnalités et les mystères sont encore très largement incompris, le cerveau trouve sa place sous les projecteurs du Musée de la Civilisation, à Québec, et ce jusqu’au 11 mars 2018, dans le cadre de l’exposition Cerveau à la folie.
D’emblée se pose le problème de l’ampleur de la tâche à accomplir. Comment, en effet, réussir à « résumer » le cerveau, alors que tout y semble relié, des interactions sociales à la recherche scientifique, en passant par les émotions, le développement de l’intelligence artificielle, ou encore la maladie mentale?
À l’image de 25x la révolte, présentée dans ce même musée en juin de l’an dernier, Cerveau à la folie se présente comme un condensé du sujet; en effet, s’il aurait été fastidieux de se plonger profondément dans les diverses disciplines liées à l’étude du cerveau – sans compter le niveau de compréhension académique nécessaire pour aller au fond des choses -, les organisateurs ont plutôt choisi d’y aller à grands traits. Quitte à ce que les visiteurs, une fois sortis de la salle, aient envie de se renseigner davantage.
Dans le cadre de cette exposition, le musée se fait non seulement salle de classe, avec une utilisation généreuse et judicieuse d’images et de schémas, mais aussi collection d’objets anciens. Car l’étude du cerveau ne date après tout pas d’hier. Avec ses percées, bien sûr, mais aussi ses incompréhensions, ses expérimentations et ses procédures qui, aujourd’hui, font frémir d’horreur et ont certainement davantage leur place dans des films d’épouvante que dans des hôpitaux et des salles d’opération.
L’exposition prend par ailleurs bien soin d’adopter une position optimiste dans la plupart des sujets abordés, y compris lorsqu’il est question des problèmes de santé mentale, et surtout des troubles du spectre de l’autisme. Ceux-ci sont justement traités comme des opportunités d’en apprendre davantage sur le fonctionnement du cerveau, et comme des possibilités de mieux comprendre ces « 30 à 40% de la population » qui souffriraient d’une forme de problème de santé mentale.
Penser le futur
Outre l’ouverture à l’autre, Cerveau à la folie propose une réflexion sur l’avenir de la recherche sur cet organe encore majoritairement incompris. Devant tant d’avenues possibles, mais aussi devant tant de défis à surmonter, risque-t-on de se décourager? Pas du tout, estime Yves De Koninck, directeur du Centre de recherche CERVO, un organisme qui a collaboré avec le Musée de la Civilisation pour organiser l’exposition.
« C’est certain que c’est la caractéristique du cerveau, cet organe si complexe qui est à la source de tellement de choses dans nos vies… En effet, on pourrait par exemple baisser les bras devant toutes les maladies, ou devant la complexité de cet organe », mentionne-t-il.
« Il faut aussi souligner que l’étude moderne du cerveau, ce que l’on appelle les neurosciences, date d’environ 50 ans. C’est vrai que le problème peut paraître écrasant, mais c’est aussi ce qui est excitant. Je pense qu’il faut s’attaquer au problème morceau par morceau… Ça prend une grande diversité de gens; des chimistes, des psychologues, en passant par des biologistes, des physiciens, des psychiatres, des neurologues, etc. Des gens qui examineront le problème sous tous ses angles. »
Pour M. De Koninck, il est essentiel de surmonter les divers obstacles et mieux comprendre cette masse grisâtre qui siège à l’intérieur de nos crânes, sans quoi la société risque de tomber dans le mysticisme. Et si le mysticisme est une bonne chose dans certains cas, poursuit-il, lorsqu’il est question de la santé humaine, le phénomène mène habituellement à des résultats tout sauf reluisants… Comme en témoignent les anciennes méthodes consistant à enfermer les épileptiques dans des asiles, ou une trousse de trépanation richement ouvragée qui donne un peu froid dans le dos, dans la salle d’exposition.
L’étude du cerveau, c’est aussi le questionnement sur le développement de l’intelligence artificielle, à une époque où l’apprentissage profond, les voitures autonomes et autres algorithmes font régulièrement les manchettes. Cerveau à la folie se penche brièvement sur la question, mais si la littérature et le cinéma de science-fiction regorgent de récits terrifiants de robots déclarant la guerre à leurs créateurs, Yves De Koninck, lui, croit non seulement que cette percée de la conscience artificielle n’est pas pour demain, mais qu’il est aussi dommageable de s’inquiéter à l’avance des possibles répercussions des avancées scientifiques et technologiques dans ce domaine.
Gare au mysticisme!, répète-t-il. Car en ce qui concerne le cerveau, comme pour la recherche scientifique dans son ensemble, l’ignorance n’est jamais la bonne solution.