Il y a 375 ans était fondée Ville-Marie, aujourd’hui appelée Montréal. Et alors que cette date marque le lancement « officiel » des festivités annoncées depuis déjà longtemps, force est d’admettre que cet anniversaire un peu étrange correspond fort bien à une métropole grevée par de nombreux problèmes.
Impossible, en effet, de parler de la plus grande ville du Québec sans évoquer ce qui n’y fonctionne pas. Il est bien sûr facile d’évoquer la congestion routière, la décrépitude des infrastructures, la gouvernance aux airs de Maison qui rend fou, la pollution, la saleté, la pauvreté…
Paradoxale Montréal, aux habitants du Plateau qui votent en faveur de sens uniques, de trottoirs élargis et d’espaces verts, mais qui ont aussi une voiture qui sert habituellement à être déplacée d’un côté et de l’autre de la rue pour éviter une contravention. Triste Montréal aux quartiers ouvriers aux prises avec un embourgeoisement sournois forçant les pauvres à s’éloigner toujours plus des grands centres tandis que les prix immobiliers poussent les jeunes familles à s’exiler en banlieue.
Rajoutez à cela un maire davantage préoccupé par sa propre-image que par celle de sa Ville et qui s’agite dans tous les sens en espérant que la population passera outre le vide abyssal de ses propositions pour se rappeler uniquement des gestes d’esbroufe comme d’un point positif de son mandat, et vous obtenez un anniversaire étrange, mélange de rodéo et de réplique de la plage de Dieppe, où l’on se demande ce que l’on fête, au juste.
Pourtant, malgré tous ses problèmes, malgré ses allures de Ville incertaine, hésitant à l’orée du futur quant à la marche à suivre, Montréal tient bon. Avec sa vie culturelle plus que foisonnante, avec ses centres d’innovation dans pratiquement tous les domaines, avec sa riche vie collégiale et universitaire, avec son économie solide et audacieuse, avec ses saveurs et ses langues de partout dans le monde, Montréal est belle. Mais cette beauté n’est pas la beauté plastique d’une mannequin, trop longtemps retouchée à l’ordinateur pour paraître encore humaine.
Non, la beauté de Montréal est imparfaite, avec quelques zones grises, des endroits où la peinture s’est écaillée pour révéler la saleté en-dessous. Montréal, c’est se promener en Bixi pour aller chercher des bagels dans le Mile-End, et ressentir chaque nid-de-poule ankyloser peu à peu ses avants-bras. C’est être incapable de réprimer un sourire quand, au coin de Saint-Urbain et Sherbrooke, on aperçoit d’importants travaux routiers en cours tout juste avant une gigantesque bannière « Bienvenue à Montréal! » installée pour célébrer le Festival de Jazz. C’est être fier de voir arriver une nouvelle rame Azur dans le tunnel du métro, même si l’imbroglio entre Bombardier, Alstom et le gouvernement du Québec a donné à la province des allures de république de bananes.
Amélioration de la gouvernance et des transports collectifs, reconstruction des infrastructures routières négligées depuis des années, contrôle de l’inflation des prix immobiliers, protection du français, meilleure intégration des nouveaux arrivants… les défis sont très nombreux pour la Ville. Mais il ne fait nul doute que la métropole saura tirer son épingle du jeu. Et ce, peut-être même sans l’apport de ses dirigeants.