Après la terreur nazie, après l’horreur de l’occupation soviétique, après les retours en arrière, Bernie Gunther, héros littéraire de Philip Kerr, se retrouve cette fois impliqué dans une étrange histoire d’espionnage dans le sud de la France alors que la Guerre froide bat son plein.
Vivant sous une nouvelle identité pour échapper aux anciens Alliés et aux communistes, Gunther travaille comme concierge dans un hôtel. Le voilà pourtant qui fait la connaissance de Somerset Maugham, auteur célèbre de l’époque et homosexuel notoire. C’est d’ailleurs cette homosexualité qui fera en sorte que Maugham sera sous l’emprise d’un maître chanteur.
Appelé en renfort pour régler une transaction permettant à l’auteur d’éviter de graves problèmes en Angleterre et ailleurs, Gunther retrouvera une personne qu’il exécrait à l’époque de la Deuxième Guerre mondiale, et qui est responsable d’une partie de ses malheurs. Ce faisant, notre héros sera aussi coincé bien malgré lui dans une sombre affaire d’espionnage international et d’une lutte entre les services de renseignement britanniques et les services de la Stasi, la police secrète est-allemande.
Alors que Bernie Gunther est majoritairement connu pour être le héros de l’excellente Trilogie berlinoise, voilà en fait 11 fois que l’auteur rapporte les aventures de son personnage principal. Se rapprochant maintenant de la soixantaine, Gunther se fait vieux, et porte sur ses épaules le poids de trop nombreuses tragédies. Dans ces Pièges de l’exil, il est fatigué, éreinté, même. De fait, le voilà qui se retrouve témoin des événements plutôt que point central de l’action.
Fondamentalement, on se demande un peu ce que Gunther fait là, dans cette histoire d’espionnage en terre française. D’autant plus que l’auteur emprunte quantité de détours pour nous ramener en arrière, histoire d’expliquer ce qui lie notre héros et son adversaire retrouvé. Tout ce travail pour qu’en bout de piste, l’action concerne plutôt l’auteur anglais, ses anciens collègues des services de renseignement et l’ombre que laissent planer la Stasi et le KGB.
Pire encore, on apprend après la fin du livre que la structure narrative du livre, cette histoire d’homosexualité et de chantage, cette course entre les divers services de renseignement, ces soupçons portant sur des responsables du MI5 et du MI6 possiblement retournés par les Russes… tout cela a bel et bien existé à l’époque durant laquelle Les pièges de l’exil se déroule. Kerr donne l’impression de s’être servi au buffet de l’histoire, d’avoir saupoudré un peu de Bernie Gunther et d’avoir envoyé le tout à l’impression.
Réflexion faite, cette histoire aurait plus de sens entre les mains de John Le Carré, avec les jeux d’esprit correspondant davantage à Georges Smiley qu’aux méthodes plus musclées de Bernie Gunther.
On évitera, donc, d’ajouter Les pièges de l’exil à sa collection.