Sur scène, quatre adultes, quatre représentations de ce début de l’âge de raison, quatre témoins de la modernité. Dans leurs bouches, dans nos oreilles, l’écho rageur d’une génération d’écrivains et d’auteurs qui brûlent de prendre leur place, d’exprimer leurs peines, leurs envies, leur rage, leur désir.
Ces cris lancés à la face du monde, ce sont ces Nuits frauduleuses, présentées sur les planches de la Salle Jean-Claude Germain au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui. Pendant un peu plus d’une heure, voilà que Philippe Boutin, Jérémie Francoeur, Maxim Paré-Fortin et Marilyn Perreault reprennent les écrits d’une poignée d’auteurs et de poètes et lancent le tout au visage des spectateurs installés dans cette petite salle des étages supérieurs de l’institution de la rue Saint-Denis.
Sexe, questionnements existentiels, relations personnelles, technologie, déprime, joie de vivre, peine, humour, memes… des thèmes immémoriaux sont télescopés par de nouvelles avenues, de nouvelles questions, de nouveaux thèmes provenant directement de cette époque un peu folle qui est la nôtre, où les interactions romantiques consistent parfois à swiper sur Tinder ou à liker une photo sur Facebook.
Dans un décor tenant à la fois de la salle d’aérobie, de la piscine à balles de chez IKEA et de l’arène d’American Gladiators, notre quatre comparses font rire, réfléchir, surprennent, étonnent… On navigue certes d’extrait en extrait, avec les disparités et l’incohérence que cela peut supposer, mais là où le concept avait clairement moins fonctionné, pour Attentat, par exemple, ou encore plus récemment avec Parfois, la nuit, je ris tout seul, ici, l’interprétation vient clairement accentuer la cohésion de l’ensemble.
Bien entendu, Nuits frauduleuses ne doit pas être considérée comme une pièce de théâtre dans le sens traditionnel du terme. Il faut voir la chose comme une expérience, une tentative de rejeter le cadre structurant habituel pour plonger tête première dans l’insondable beauté du bordel artistique. Ces textes, ce sont le mal-être d’une génération qui continue de chercher ses repères, désillusionnée qu’elle est par ce qui lui a été promis.
Nuits frauduleuses, c’est un passage vers un autre monde, où ce qui vient des tripes prend parfois préséance sur ce qui vient de la tête. Et c’est tant mieux.
Le spectacle est présenté jusqu’au 13 mai.