Le 20 avril dernier, WestJet a annoncé son intention de se lancer dans le marché des transporteurs aériens à très bas tarifs d’ici la fin de l’année 2017. Au premier abord, cette nouvelle peut sembler réjouissante pour les voyageurs canadiens, mais en réalité cette offre en vaudra-t-elle réellement le coût?
Pour se permettre d’offrir des vols au rabais, WestJet devra modifier la configuration de dix avions de sa flotte de Boeing 737-800 afin qu’ils soient transformés en appareils à haute densité qui accueilleront plus de passagers. Ainsi, des sièges supplémentaires seront ajoutés à la configuration initiale du fabricant, ce qui réduira considérablement l’espace pour les jambes entre les rangées. Aussi pour réduire le prix des billets d’avion, le transporteur canadien compte faire payer à la carte les services selon les besoins de chacun. Selon le président et chef de la direction de WestJet Gregg Saretsky: « Le dégroupage complet des services et des produits dans le but de réduire les tarifs pour le voyageur sensible aux tarifs a eu pour effet de créer une catégorie de transporteurs à très bas tarifs, et notre nouvelle ligne aérienne offrira aux Canadiens une expérience de vol à bon marché et agréable qui favorise une concurrence proactive par l’entremise d’une compagnie qui a fait ses preuves. »
Toutefois M. Saretsky, vous semblez oublier que les services offerts par votre compagnie WestJet sont présentement à la limite de l’acceptable. Comme avec la plupart des transporteurs nord-américains, aucun repas n’est servi à bord, et ce, même si le vol est d’une durée de plus de 4 heures. Seul un service de jus, boisson gazeuse, eau ou café, accompagné d’un choix de sachet de méli-mélo ou de deux biscuits secs est prévu. Rien de plus ne sera offert à moins de commander un repas à la carte dont le choix se limite à une pointe de pizza réchauffée au micro-ondes ou un sandwich préemballé du style « dépanneur du coin », le tout pour la modique somme de 10 dollars chacun taxes incluses, payables par carte de crédit uniquement.
De plus, la plupart des avions de WestJet ne possèdent pas d’écran à bord pour le visionnement d’un film lors d’un vol canadien ou américain, contrairement à ce qui est offert chez leurs compétiteurs. Pour avoir accès à un divertissement, le voyageur doit utiliser son propre appareil électronique s’il en possède un. Ainsi, la seule option reste le téléchargement de l’application WestJet Connect qui donne accès à la banque de visionnement sur son téléphone, sa tablette ou son portable. Évidemment, le passager est mis au courant seulement une fois assis dans l’avion et il est trop tard pour le téléchargement de l’application via le Wi-Fi gratuit de l’aéroport. Mais la compagnie aérienne a pensé à tout: plusieurs forfaits internet sont vendus à bord à partir de 4,99 $ selon l’utilisation désirée.
Depuis 2014, chez WestJet l’enregistrement d’un premier bagage n’est plus inclus dans le prix du billet à destination du Canada ou des États-Unis. En effet, des frais de 25 $ sont facturés pour un bagage lors de l’impression de la carte d’embarquement à la borne et le frais est payable dans la devise du pays de départ. Par exemple, si vous partez de l’aéroport Montréal-Trudeau vers les États-Unis, vous allez payer 25 $ CAN pour mettre votre valise en soute. Cependant lors de votre vol de retour l’enregistrement de votre bagage sera payable en dollars américains, ce qui équivaut en ce moment en moyenne à 35 $ CAN.
Alors comment la compagnie compte-t-elle couper encore plus dans les services inclus comme ils sont déjà réduits au minimum? Charger pour l’accès au cabinet ou au masque à oxygène en cas de besoin? Plus sérieusement, avec l’arrivée de sa nouvelle formule à bas très bas prix, le transporteur aérien prévoit abolir le service gratuit de collation et de boisson pour se limiter à un service à la carte seulement, en plus d’un frais pour obtenir la carte d’embarquement si elle n’a pas été préalablement imprimée par le voyageur avant son départ de la maison, comme c’est le cas avec ce type de vol offert par les compagnies européennes bon marché.
Malgré sa popularité en Europe, cette formule est loin de faire l’unanimité quant à la satisfaction. Il y existe une réelle relation d’amour-haine entre les voyageurs et les compagnies qui offrent ce genre de service aérien. Mais il ne faut pas se leurrer, le marché européen est beaucoup plus vaste donc bien plus rentable pour ce genre de formule appréciée par une certaine clientèle étant donné la courte durée des vols et la proximité des pays sur ce continent. Frederic Dimanche, professeur à l’University’s School of Hospitality and Tourism Management de Ryerson, se questionne sur la pertinence d’une telle lancée pour WestJet: « Ils [les transporteurs européens à rabais] ont un marché beaucoup plus vaste avec lequel travailler. L’Europe a beaucoup de destinations et une population beaucoup plus grande à desservir sur leurs vols. Il reste à voir au Canada si le marché est assez grand pour un transporteur à très faible coût. »
Ailleurs dans le monde, une différente philosophie de service à la clientèle prévaut tout en conservant des prix compétitifs, voire même à meilleurs tarifs selon certaines destinations. Par exemple, Aéromexico, Copa Airlines et Air China, proposent des vols en partance du Canada et pourtant ils ne se défilent pas devant la qualité du service offert à bord. En plus du service de collations et de boissons, ces transporteurs offrent minimum un repas ou plus selon la durée du vol, l’alcool à volonté en tout temps, le service de divertissement avec écouteurs personnels, oreiller et couverture, le tout sans frais supplémentaires. Les passagers qui ont eu la chance de voyager avec l’une de ses compagnies réalisent à quel point les transporteurs nord-américains sont désuets et négligents face à leur clientèle.
À ce moment-ci, WestJet est incapable de chiffrer l’économie en argent dont les voyageurs canadiens pourraient tirer avantage avec l’arrivée de sa nouvelle ligne aérienne à très bas tarif. Le transporteur doit avant tout s’entendre avec ses pilotes et obtenir certaines approbations sur la réglementation. Mais le tout loin d’être qu’une simple formalité, les pilotes WestJet ont annoncé publiquement leur désir de se syndiquer à la suite de cette annonce afin de s’assurer que les économies prévues pour les passagers ne seront pas grugées à même leurs salaires et leurs avantages.
WestJet, qui se dit déjà une comme une compagnie au tarif économique, devra baisser considérablement ses coûts pour offrir une ligne aérienne au rabais, car en comparant ses prix actuels avec ses compétiteurs le constat est parfois trompeur. Si l’on s’amuse à magasiner un vol avec les mêmes dates de départ et d’arrivée, on s’aperçoit que WestJet n’est pas toujours le transporteur le plus économique. En fait, son tarif est équivalent aux autres compagnies aériennes de même calibre, ou souvent 15 à 30 % plus cher selon la destination. En ajoutant à cela tous les frais non inclus à l’achat du billet d’avion, sa nouvelle offre de vols à faible coût risque de n’être que de la poudre aux yeux pour le voyageur en quête du meilleur prix possible, confort et service en moins.