Vitaly Mansky a réussi quelque chose de particulièrement intéressant: montrer le « vrai » visage de la Corée du Nord. Et le résultat, un documentaire intitulé Under the Sun qui sera présenté jeudi le 27 avril au Cinéma du Parc, dans le cadre de la série de projections mensuelles RIDM+, mérite d’être vu, particulièrement alors que les tensions sont de nouveau reparties à la hausse dans la région.
Ironiquement, parler de la Corée du Nord devient toujours un peu plus difficile. Si la dictature de la dynastie des Kim était auréolée de mystère il y a encore une quinzaine, voire une dizaine d’années, les tenailles du régime se sont quelque peu relâchées au fil du temps. Que ce soit du côté de chez Vice, sous la forme d’une bande dessinée de Guy Delisle, via des images passées sous le manteau, ou encore grâce au régime lui-même, la vie à Pyongyang et dans les campagnes a perdu un peu de son lustre pour révéler une existence qui devient un peu plus ordinaire.
Après tout, la grande majorité des Nord-Coréens sont comme leurs compatriotes occidentaux. Ils veulent un bon travail, une vie paisible, prendre soin de leur famille et s’assurer que leurs enfants auront droit à une existence meilleure que la leur. La différence étant, bien entendu, qu’au-dessus de leur tête plane la menace constante d’un régime totalitaire tenant du pire du stalinisme, où ceux qui dérangent ont tendance à disparaître rapidement, et où le président nommé à vie menace régulièrement de se servir de ses armes nucléaires.
Mais cela, encore une fois, tout le monde le sait. Et comme Pyongyang commence peu à peu à comprendre que la guerre géopolitique se gagne maintenant avec des caméras, et non pas des mitrailleuses datant de la Guerre froide, l’establishment nord-coréen met lui-même en scène une vie de famille idyllique dans les rues trop propres et trop désertes de la capitale.
Voilà ce qu’a filmé Mansky. Avec l’accord des autorités, il a pu filmer ce qui est essentiellement deux heures de propagande. Mais cela, ce serait banal, ordinaire. Même si l’on se doute bien que ce qui est présenté est une construction, une façade. Non, Mansky a fait bien mieux. Il a filmé la propagande, oui, mais aussi les nombreuses prises nécessaires pour parvenir au résultat souhaité. Ces types à l’apparence ordinaire, vêtus de parkas, qui donnent des direction, forcent les « comédiens » à vanter le régime, placent les membres d’une famille sur le « plateau » comme d’autres installent des mannequins dans une vitrine.
Petit à petit, la réalité dépasse la fiction créée par Pyongyang. Le manque d’électricité dans les corridors ou dans les maisons. Les wagons de métro datant des années 1950, dont les portes doivent être ouvertes à la main. La petite fille nord-coréenne qui tente de demeurer éveillé durant le discours d’un vétéran de la Guerre de Corée. Et tous ces faux sourires, cet enthousiasme forcé… tous ces gestes exécutés machinalement par une population qui vit dans la terreur constante.
On ne cachera pas qu’Under the Sun prend un peu de temps avant de dévoiler sa vraie nature. Mais les résultats valent amplement l’attente. Ce documentaire réussit à révéler une autre facette de la vie en Corée du Nord. Celle où un régime totalitaire tente, tant bien que mal, de redorer son blason. Heureusement pour nous, les Nord-Coréens ont encore bien des croûtes à manger avant de nous faire croire qu’il fait bon vivre dans ce Royaume ermite sous la coupe du « respecté » Kim Jong-un.