À l’instar du dirigeant Kim Jong-un qui fait des sorties une fois de temps en temps avec son désir rétro de faire exploser le monde, le président Donald Trump brandit l’ALENA menaçant de détruire les économies de ses voisins. Qu’un dictateur s’ennuie dans son régime est compréhensible, mais comment expliquer qu’une superpuissance soit gouvernée par un individualisme grossier?
Si les douaniers américains escortent les immigrants à la frontière canadienne, un mur se dresse à la frontière mexicaine.
Si le lait diafiltré constituait un cheval de Troie américain en échappant à la gestion de l’offre canadienne, les agriculteurs américains gavés de subventions ont inondé le marché mexicain de haricots, de riz et de maïs, autant de produits traditionnels du Mexique.
Si les fermiers québécois risquent la faillite sans la mesure protectionniste de la gestion de l’offre, la domination des chaînes de productions américaines installées au Mexique ont amené le gouvernement mexicain à doper ses exportations par la stagnation salariale.
À peine en selle à Washington, dès que le président américain a parlé de renégocier l’ALENA au mois de janvier dernier, l’ex-premier ministre fédéral conservateur, Brian Mulroney est venu prêter main forte au premier ministre fédéral libéral, Justin Trudeau. D’ailleurs, une apparition ne vient jamais seule puisque l’ex-premier ministre provincial libéral, Jean Charest a tenu à rassurer les Québécois par une sortie dans les médias.
Dans le Monde diplomatique du mois d’avril, le président du comité exécutif national du Mouvement de régénération nationale (Morena) et candidat à l’élection présidentielle mexicaine de juillet 2018, Andrés Manuel López Obrador rappelle qu’après la crise financière de 2008, le gouvernement américain a orchestré le sauvetage des organismes financiers en faillite en leur versant plus de 16 000 milliards de dollars entre 2008 et 2013. Quelques années plus tard, le gouvernement américain a cherché à réduire le fardeau de la dette en amputant les services publics de 85 milliards de dollars.
À la rescousse
À la manière de son personnage de patron détestable dans la série The Apprentice, le nouveau président a le mérite d’incarner un bouc émissaire si attrayant qu’on oublie les travers de la superpuissance. Tel un aigle à tête blanche, le Congrès prend l’Amérique sous son aile pour veiller à ce que ce président habilité à voter les lois et le budget ne déracine pas la Constitution américaine. Rappelant les émissions télévisées de Cour en direct, M. Jefferson Sessions est accusé d’avoir menti lors de son audition par rapport aux contacts qu’il a eu avec « les Russes », alors que M. Scott Pruitt nommé à la tête de l’Agence de protection de l’environnement (EPA) a été appelé à la barre, lui qui a intenté treize recours en justice contre les réglementations de l’EPA. Cette situation semble aussi sérieuse que le scandale du sein nu de Janet Jackson pendant le spectacle de la mi-temps au Super Bowl de 2004.
Ainsi le Congrès a beau freiner les élans despotiques du nouveau président, la justice sociale n’est pas forcément l’une de ses vertus. Comme le note la professeure émérite de droit à l’université Paris Nanterre, Anne Deysine dans le Monde diplomatique d’avril, bien que les démocrates dominaient les deux Chambres du Congrès entre 2008 et 2010, le président Barack Obama a lutté pendant deux ans, y compris contre des élus de son propre camp, pour faire voter son projet d’assurance-maladie.
Modèle canadien
Il est intéressant de rappeler que le 12 novembre 1999, le président démocrate Bill Clinton a officialisé la mise à mort du Glass-Steagall Act que le président démocrate Roosevelt avait fait adopter pour contenir notamment la puissance des banques et éviter des crises financières. En signant cette loi, rapporte le recherchiste Serge Truffaut dans son ouvrage Anatomie d’un désastre, la crise financière de 2008, de Reagan à Trump (Édition Somme Toute, 2017), le président Clinton a officialisé le décloisonnement des institutions financières sur le modèle canadien.
À la lumière du jogging du premier ministre Justin Trudeau et du président mexicain Enrique Peña Nieto, la différence notoire de gabarit entre les deux hommes d’État est-elle représentative de leur poids dans la renégociation de l’ALENA?