Dehors perdure la grisaille d’un printemps qui refuse de s’installer durablement. Mais à l’intérieur des bureaux du magazine Nouveau Projet, situés rue Beaubien, l’heure est tout sauf aux prévisions météo. En prévision de la sortie du nouveau numéro – et de son lancement, prévu mercredi soir à la Société des arts technologiques (SAT), l’équipe s’active à boucler ce qui encore l’être.
Assis à une table de conférence, Nicolas Langelier, rédacteur en chef de la publication, semble bien heureux du chemin parcouru en cinq années de lutte pour la publication d’un contenu journalistique bien différent de certains modèles actuels.
« Je dirais que le bilan est fondamentalement positif: nous sommes solidement établis et nous sommes de plus en plus une référence pour quantité de sujets. Nous avons également une grande facilité à aller chercher les collaborateurs qui nous intéressent, ce qui est un gros luxe », explique M. Langelier. « Cela va également bien en ce qui concerne les abonnements; nous pourrions en avoir davantage, c’est sûr, mais nous sommes satisfaits. Idem pour les espaces publicitaires, qui sont tous vendus. Donc, ça va bien. »
Mais au-delà de ce succès, la lutte se poursuit dans un contexte médiatique difficile, indique le rédacteur en chef. « Produire du contenu de qualité dans l’environnement actuel, dans le petit marché québécois, ça demeure un combat de tous les jours. Ça coûte cher! Et il y a eu quelques moments plus difficiles, comme la faillite de notre distributeur, qui nous a déstabilisés. » Faillite, d’ailleurs, qui avait poussé Nouveau Projet à faire appel à la générosité du public pour renflouer ses coffres et ainsi récupérer l’argent subitement disparu.
Cela ne veut cependant pas dire que tout est perdu, bien au contraire. La naissance de Nouveau Projet coïncide avec un retour à l’imprimé et à l’information lente – en opposition à la dépêche-minute. D’ailleurs, ce retour au papier semble être la voie à suivre pour les nouveaux venus dans le monde médiatique. Récemment, le site d’information spécialisé Planète F annonçait ainsi une campagne de sociofinancement qui devrait mener à la publication d’un premier numéro d’une version magazine du média.
« Ce que ça démontre, c’est que les gens ont encore ce besoin de contenu de qualité, de profondeur, de textes qui vont au fond des choses. C’est pas vrai qu’il y a seulement du click-bait à la BuzzFeed, à la Urbania. Le défi, ensuite, est de trouver comment le financer, mais à partir du moment où on réalise que la masse critique de gens existe, c’est très encourageant. »
Pas question, pour Nicolas Langelier, de se laisser attirer par les sirènes du contenu gratuit sur le web. « Au départ, en lançant Nouveau Projet, l’idée était d’éviter les erreurs des autres médias, qui ont conduit à leur faillite ou à leur passage vers le web. L’une des choses qui me paraissaient évidentes, c’est qu’on ne peut pas donner son contenu, et espérer que les gens vont payer pour. Ça n’avait aucun sens dans mon esprit. Dès le départ, donc, on a fait payer les gens pour le contenu. »
Le salut des médias passerait-il donc par un abandon des méthodes dites modernes de diffuser de l’information? M. Langelier apporte quelques nuances: « Nouveau Projet a un public assez diversifié, mais ce n’est pas un média qui va nécessairement intéresser tout le monde. Je crois d’ailleurs que l’avenir se trouve de ce côté, chez les médias plus spécialisés. »
Rien n’est joué pour les médias généralistes traditionnels, donc, mais peut-être que ceux-ci seront appelés à se fractionner pour mieux rejoindre certains segments de leur lectorat ou auditoire.
Sur un plan plus personnel, ces cinq premières années à la tête de Nouveau Projet ont également été l’occasion d’apprendre « sur le tas » pour Nicolas Langelier. « Je n’avais jamais donné dans l’administration et la gestion au quotidien auparavant; j’ai commis des erreurs dans mes embauches, dans ma gestion des employés. Un magazine, c’est du contenu, mais c’est aussi une machine. Là-dessus, j’ai beaucoup appris. C’est sûr que si je devais le refaire avec mes connaissances d’aujourd’hui, je le referais différemment. »
Et à quoi peut-on s’attendre dans les prochaines années? Le rédacteur en chef parle de consolidation des revenus et des activités. « On veut que ce soit plus facile, être moins débordés. On désire également embaucher davantage d’employés. Nous voulons aussi continuer à étendre notre impact dans d’autres domaines, par exemple les événements et la baladodiffusion, ainsi qu’en poursuivant la production de contenu pour d’autres médias. C’est vraiment prioritaire pour nous. »