Depuis plusieurs années, la marque de boisson gazeuse Pepsi mise sur la culture populaire pour se faire une place dans le cœur des consommateurs. On n’a qu’à penser aux publicités mettant en vedette Claude Meunier, les Denis Drolet ou les iconiques Beyoncé, Pink et Britney Spears.
Le 4 avril dernier, la compagnie diffusait fièrement sa nouvelle publicité mettant en vedette la mannequin et membre de la famille royale de la culture pop Kendall Jenner. Le 5 avril, la pub était promptement retirée et la compagnie s’excusait publiquement pour son manque de jugement.
Pour ceux qui ne l’auraient pas vue, la publicité mettait en scène de jeunes militants, des créateurs et des artistes en marche pour une cause inconnue vers une barrière de policiers. Étant témoin de cette belle démonstration d’activisme multiethnique pacifique, Kendall Jenner se sauve de son photoshoot pour rejoindre la foule enthousiaste. Face à face avec un policier à casquette, telle une activiste du mouvement Flower Power, elle tend une canette de Pepsi à l’homme au regard complice. Il la boit, tout le monde crie de joie, c’est le fun l’engagement social!
La pub est remplie de clins d’œil vraiment pas subtils aux manifestations du mouvement Black Lives Matter et à celles contre le Muslim Ban. La mise en scène proposée veut plaire au millénial moyen cliché, narcissique et engagé à travers son téléphone. On entend en boucle: We are the movement, this generation, you better know who we are. Malheureusement pour eux, ces mêmes milléniaux à l’engagement mou n’ont pas apprécié. Ils n’ont peut-être pas pris la rue, mais ils ont envahi les médias sociaux pour exposer leur indignation.
Le Slacktivisme
Permettez-moi d’ouvrir une parenthèse pour parler de ce mouvement relativement récent. On qualifie de slacktivisme l’engagement mou à une cause qui se fait généralement par l’entremise des réseaux sociaux. On ne parle pas ici d’activisme technologique, comme le fait Anonymous par exemple, mais bien de gestes qui demandent un engagement très limité. On peut penser à un filtre de photo de profil sur Facebook ou à un hashtag, par exemple. En posant ces gestes, les utilisateurs ont l’impression qu’ils appuient efficacement une cause en ayant le minimum de désagrément. Personne ne se fera poivrer par un policier parce qu’il trouve que #BlackLivesMatter. Malheureusement, les politiciens ne s’intéressent pas vraiment à vos fils Twitter et vos photos de profil. Bien que le slacktivisme n’a pas une valeur de changement politique très efficace, elle est par contre la meilleure manière de faire trembler ceux qui veulent vos dollars.
Si MLK avait bu plus de Pepsi
N’aimant pas que les luttes pour la justice sociale soient tournées au ridicule par des vendeurs de liqueur, le backlash des influenceurs fut immédiat et efficace. Le tweet le plus remarqué a probablement été celui de l’activiste et fille de Martin Luther King Jr, Bernice King, qui a simplement écrit: « If only Daddy would have known about the power of Pepsi. »
On peut dénoncer le fait que Pepsi banalise la contestation, mais au fond, ne la banalisons-nous pas nous-mêmes? Il nous arrive tous de s’indigner à propos de choses sur lesquelles nous nous informons peu et posons l’action la moins engageante possible. Nous avons tous déjà signé une bonne vieille pétition en ligne.
On sait que des événements plus graves se déroulent sous nos yeux. Que le gouvernement syrien utilise des armes chimiques contre sa population, que la GRC espionne les cellulaires des Canadiens. Mais on choisit de s’indigner contre la chose facile à cibler, une pub d’une compagnie qui a peur des mots-clics. Mais Bachar Al-Assad, les hashtags, lui, il s’en fout.
https://www.youtube.com/watch?v=dA5Yq1DLSmQ