Du monument littéraire qu’était – et qu’est encore – l’auteure anglaise Agatha Christie, on se souvient surtout des classiques. Y compris du Meurtre de Roger Ackroyd, thriller policier à la surprise finale plus qu’originale. Mais qu’en est-il vraiment de cette oeuvre magistrale? Agatha Christie contre Hercule Poirot: qui a tué Roger Ackroyd?, présenté au Festival international du film sur l’art (FIFA), s’attaque au monstre sacré de fort belle manière.
Ce film, c’est d’abord l’histoire du roman monté en pièce de théâtre. Pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants de l’histoire – mais aussi certaines imprécisions du texte -, le metteur en scène se lance à la poursuite d’indice sur l’existence d’Hercule Poirot, le célèbre héros de Christie, mais aussi sur la vie de la romancière elle-même. Ses manies, sa personnalité, la fameuse période d’un peu plus d’une semaine où elle a disparu, pour ensuite prétendre qu’elle souffrait d’amnésie… le réalisateur Jean-Christophe Klotz s’en donne à coeur joie avec un portrait intimiste et original.
Car oui, l’originalité était nécessaire. Dire d’Agatha Christie qu’elle a été examinée, racontée, voire (figurativement) disséquée dans tous les sens relève de l’euphémisme pratiquement criminel. Mais l’idée de s’appuyer sur la pièce de théâtre est franchement intéressante. Quel meilleur prétexte que celui de véritablement comprendre la motivation des personnages pour s’intéresser à Christie, Poirot et au défunt Roger Ackroyd?
Le réalisateur (et le metteur en scène) consacre aussi une bonne partie du film à discuter de la question du côté soi-disant infaillible des déductions d’Hercule Poirot. Les superpouvoirs à la Sherlock Holmes sont effectivement clichés, n’en déplaise à Mark Gatiss et à Benedict Cumberbatch, et la tradition ne date justement pas d’hier. En donnant à son célèbre inspecteur la capacité de résoudre toutes les énigmes en profitant aussi de l’occasion pour expliquer au lecteur tout ce qu’il aurait pu manquer pendant sa lecture, Agatha Christie ne s’écarte certainement pas du moule, un moule qui est repris encore aujourd’hui, pour le meilleur et pour le pire.
Dans ce documentaire d’une heure, on peut déplorer un seul aspect: les commentaires en anglais, doublés en français pour les besoins du film, sont au même niveau sonore que les phrases doublées, justement. Le cinéphile a ainsi droit à une cacophonie où il n’est possible de vraiment comprendre ni l’anglais original, ni la version française découlant du doublage.
Pour le reste, Agatha Christie contre Hercule Poirot: qui a tué Roger Ackroyd? est un regard intéressant sur l’univers de la littérature policière, et sur l’une des oeuvres les plus marquantes du genre. Qui aurait cru que près de 100 ans plus tard, un thriller fasse toujours parler de lui?