L’an de grâce 1936. L’Allemagne nazie se complaît dans sa splendeur fasciste en tenant les Jeux olympiques d’été. L’occasion, pour la dictature à la croix gammée, d’impressionner la planète. Et grâce au film de Jérôme Prieur, présenté dans le cadre du Festival international du film sur l’art (FIFA), l’occasion est donnée au public de 2017 de revivre cet événement à la fois spectaculaire et lugubre.
S’appuyant sur une quantité astronomique d’images d’archives, le documentaire Les Jeux d’Hitler – Berlin 1936 nous emmène dans une Allemagne déjà aux portes de la terreur et de la mort qui allaient s’abattre sur l’ensemble de la planète à peine trois ans plus tard, mais où tout semble aussi beau, propre, fonctionnel, consacré à la réussite du corps devant l’adversité.
À bien y penser, les choses n’ont pas beaucoup changé, 80 ans plus tard: les Jeux continuent d’être le triomphe de l’apparence sur la réalité, et des régimes totalitaires s’arrogent le droit d’organiser ces compétitions sportives à coups de milliards, histoire de bien graisser la patte des organisateurs. Si, aujourd’hui, on ne semble plus empêcher les juifs de participer aux Jeux, on continue de museler toute opposition au nom du prestige national.
Ces Jeux de 1936 se voulaient aussi, selon Berlin, la conclusion du lien immatériel et matériel entre les origines divines du monde et le faîte de la gloire de l’Allemagne nazie. Ultime triomphe de la propagande de Goebbels, le sportif (aryen, bien entendu) sacrifie son corps pour l’avancement de la cause allemande, pour la défense du IIIe Reich. Et cet objectif idyllique se retrouve même dans l’aménagement du village olympique, formé de petits pavillons destinés aux athlètes des 52 pays participants, qui ont aussi accès à des forêts, des rivières, des lacs… Comble du cliché de la pureté allemande, certaines jeunes filles reçoivent une autorisation pour pénétrer dans cette enceinte sportive, histoire de possiblement coucher avec des athlètes et engendrer des enfants, enfant que l’État prendra à sa charge par la suite.
Mais ce Berlin de 1936, c’est aussi le dernier regard sur un monde que nous savons condamné, mais dont les participants, à l’époque, espéraient encore une sortie de crise pacifique. Tant de gens souriants, tant de visiteurs venant de l’autre bout du monde… Impossible qu’ils aient tous été plantés là par le Reich pour enjoliver les méthodes de propagande.
Film franchement intéressant sur la force de l’image dans la construction de l’identité nationale, l’oeuvre de Jérôme Prieur permet de réfléchir sur les visées cachées des systèmes politiques en place… Surtout lorsqu’il est question du prestige sportif!