Fou de douleur, ayant perdu sa soeur qui était aussi son amante, Caligula entreprend de pousser aux extrêmes les limites des pouvoirs conférés par son titre d’empereur de Rome. Et sur les planches du Théâtre du Nouveau Monde, l’histoire de l’ignoble tyran racontée par Albert Camus prend vie dans une mise en scène de René-Richard Cyr.
Que se passe-t-il quand un dirigeant politique décide de passer outre les convenances et d’agir à sa guise? Que se passe-t-il, surtout, quand ce dirigeant, aux pouvoirs quasi-illimités, intimide à ce point ses possibles opposants qu’il peut alors régner en maître, sans craindre de représailles?
Ce qui devrait donner lieu à une discussion philosophique sur la nature humaine et la tentation corruptrice du pouvoir tourne malheureusement à la farce, alors que les acteurs offrent, dans la grande majorité, un jeu stoïque les forçant à déclamer leur texte sans disposer de la liberté de mouvement qui donnerait l’occasion de rendre le tout plus vivant.
La mise en scène semblait pourtant vouloir donner un ton intéressant à cette fresque dramatique: la scène, séparée en haut sur la hauteur, dépeint quelque chose se rapprochant d’une dichotomie entre enfer et paradis. En haut, une pièce blanche immaculée, l’endroit où se retrouvent Caligula et sa soeur avant que celle-ci ne meurt violemment, répandant un sang vermeil sur le plancher et les habits blancs de son amant fraternel.
En bas, entre les piliers tenant ce « paradis », un endroit sombre, cloîtré. Une zone où les mouvements des acteurs semblent contraints par ce poids au-dessus de leur tête. Le poids d’un idéal inatteignable – et déjà souillé – qui affecte constamment leurs gestes et leurs décisions.
Le hic, c’est que les acteurs semblent justement coincés par cette présence constante. Au lieu d’occuper l’espace scénique, ils sont figés sur place, incapables d’exprimer les émotions liées au texte autrement qu’en projetant leur voix à qui mieux mieux, avec des résultats tournant parfois au ridicule. Registre de langue changeant, mots que l’on se force à étirer alors que d’autres sont mâchés impunément… Tout l’effet dramatique de la pièce est gâché par ces maniérismes déplorables.
Et que dire de Caligula lui-même! Benoît McGinnis, pourtant un acteur talentueux, s’avère ici d’un ridicule consommé. Personnage devant susciter la peur, la crainte, voire la haine, il passe plutôt une bonne partie de la pièce à cabotiner, bougeant de façon erratique sur scène. Si certains personnages un peu fêlés peuvent effectivement inspirer la peur – le Joker de Heath Ledger, entre autres, ou encore Joffrey Baratheon, dans Game of Thrones -, McGinnis semble ici davantage s’inspirer du Joker joué par Jared Leto dans Suicide Squad. On a beau avoir inclus une scène de viol sur scène – scène qui a d’ailleurs poussé des gens du public à sortir -, la chose est ici surfaite, vulgaire, ennuyante. McGinnis joue trop gros, trop forcé. Son personnage ne prend pas, et on se prend à jeter de fréquents coups d’oeil à sa montre en espérant que le supplice se termine rapidement.
Au final, la faute n’en revient fort probablement pas aux acteurs. Impossible, après tout, que tous ces gens soient naturellement mauvais! Macha Limonchik offre ainsi une solide performance… Dommage, par contre, que son texte soit si court!
Caligula, d’Albert Camus. Mise en scène et dramaturgie de René-Richard Cyr. Au Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 12 avril.
Photos: Yves Renaud