Quitter la sédentarité de la rive pour voguer sur l’océan, c’est ce que nous propose le cinéaste indépendant Félix Lamarche avec Les terres lointaines (2017). Ce documentaire lauréat du Prix Pierre et Yolande Perrault des Rendez-vous du cinéma québécois (RVCQ) sera projeté en salles à compter du 24 mars.
Cadre fixe, plan moyen, sur le pont du bateau un jeune marin torse nu se fait raser la tête par un marin plus vieux qui fume. Lui, il a son manteau sur le dos et ne quitte pas sa cigarette même si ça l’encombre pour exécuter cette tâche qu’il ne maîtrise pas. Il donne des coups de rasoir en prenant soin d’envoyer les touffes de cheveux par-dessus bord. Il s’agit de l’initiation, mais quand le caméraman lui demande pourquoi « raser les cheveux », il n’en sait rien. On enchaîne avec un gros plan de cette couche de glace craquelée qui ondule sur la masse d’eau se fondant dans le vrombissement du moteur qui nous fige dans l’obscurité.
Étrangement, pour un documentaire qui nous embarque sur un paquebot, le cinéaste emploie peu de plans panoramiques. L’horizon plane plutôt dans le regard et l’attitude de ces marins qu’il interview un à un. Peu importe leur origine, chacun nous explique le sacrifice qu’il fait de partir longtemps en mer. Les jeunes font tout pour adhérer à ce mode de vie, les pères de famille s’ennuient et leur téléphone intelligent par lequel ils peuvent écouter de la musique ou visionner des vidéos de leurs proches les relie à la terre ferme. Tous ces témoignages racontent la même histoire au fond, celle d’une coupure par ce bateau qui quitte le large.
Le capitaine explique de façon décousue la navigation d’un paquebot que la coque frappe constamment une masse d’eau dont un mètre cube équivaut à un kilo. Le cinéaste arrive à bien nous faire sentir l’impact continu de ces deux masses. Cet engin d’acier qui fonctionne grâce à une machinerie lourde à beau l’air gigantesque lorsque les jeunes marins sablent au « grinder » les parties rouillées sur le pont, il change d’échelle lorsqu’on nous rappelle l’immensité de l’océan. Tout au long du film, le cinéaste nous berce par ses multiples cadrages de vagues bleues, mais qui ne sont que la surface d’un abîme pouvant avaler n’importe quel marin qui passe par-dessus bord.
Jeter l’ancre n’est plus une opération qui se résume à lancer un poids à l’eau, la scène où on tourne une manivelle servant à dérouler une chaîne dont chaque maillon massif se soulèverait à deux mains dure un certain temps. Les plans panoramiques, nous les retrouvons quand les paquebots longent les côtes, comme si le cinéaste nous proposait un parallèle entre les montagnes et ces véhicules d’acier qui glissent lentement sur l’eau.
Une image sublime nous frappe comme un fondu au blanc. À un moment où la mer est calme, l’ensemble des employés fait des retouches de peinture sur le pont à l’aide de rouleaux. La couleur turquoise grisâtre de cette surface plane se fond dans la couleur de cet océan ensoleillée. À voir !
Le documentaire Les terres lointaines (2017) sera à l’affiche le 24 mars.
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