La TOHU fait sa première incursion dans le monde numérique en collaboration avec le festival Chromatic par la présentation du 9 février au 12 mars de l’exposition Human, I am a lack of confidence par l’artiste Kenny Wong originaire de Hong Kong. Une expérimentation nous sensibilisant davantage à l’espace qu’aux problèmes éthiques liés à la technologie.
Au vernissage le 22 février, les représentants du festival d’expériences artistiques vibrantes à Montréal, Chromatic qui se déroulera du 24 mai au 1er juin ont annoncé l’exposition comme une relation entre l’humain et la machine. Après s’être entretenu avec l’artiste et avec un responsable de l’agence Massivart qui a organisé l’exposition, on comprend qu’il s’agit d’un raccourci sémantique pour traiter d’une technologie qui semble nous dépasser.
Ce qu’on entend par relation entre l’humain et la machine a peu à voir avec les écoutes électroniques qui font la manchette, les nouvelles technologies qui privent les utilisateurs d’un esprit critique ou des œuvres visionnaires qui refont surface comme 1984 de George Orwell, Brave New World d’Aldous Huxley ou encore la chanson Welcome to the Machine du groupe légendaire Pink Floyd.
Sur un mur, une série de plaquettes électroniques vertes avec une antenne reliées entre elles par des fils rouges sont affichées à côté d’une plaquette noire de laquelle pend un microphone. Le responsable de Massivart sur place m’explique que le logiciel capte les conversations des gens dans la salle, les encode, les transmet aux autres plaquettes… il ouvre son WiFi sur son téléphone cellulaire et me montre les mots qui s’affichent.
Si une conversation personnelle entre deux individus à l’autre bout de la salle peut apparaître sur le téléphone cellulaire des gens présents, il s’agit d’une atteinte à la vie privée. « En fait, ce qui apparaît dans le réseau WiFi, c’est l’interprétation de ce que les gens disent par le logiciel. D’autant plus, que c’est un logiciel en anglais qui essaye d’interpréter le français ou une autre langue, la marge d’erreur est élevée », me répond l’artiste, Kenny Wong.
Les deux intervenants s’entendent sur le fait que c’est une autre façon d’entrer en contact, mais que le processus demeure aléatoire à la manière du « shuffle » pour la musique. La seconde œuvre visuelle, cette fois-ci, amène les visiteurs à s’interroger sur le déplacement des individus et des masses dans les villes populeuses comme Hong Kong. À l’aide de la vidéo, l’artiste nous montre des trajectoires, ainsi qu’un montage de drones filmés dans un édifice vacant.
« Je suis venu plusieurs fois ici, à Montréal. À Hong Kong, il y a trop de monde dans les places publiques au point de ne pas vouloir y rester tandis qu’ici c’est l’inverse », me confie l’artiste qui a conçu l’œuvre visuelle avec un artiste originaire d’Italie. Le flottement de drones à plusieurs niveaux d’un édifice occupé jadis – par les documents éparpillés, le pigeonnier vide et les lignes de stationnement – suggère une réflexion sur l’individu se taillant une place dans la masse.
« Nous recevons des menaces. D’une journée à l’autre, nous ne savons pas si la Chine va nous envahir », me confie l’artiste en rappelant que Hong Kong était une colonie britannique. En parallèle de sa démarche artistique, l’artiste est un designer multimédia qui produit des publicités. Le libre accès aux contenus web à Hong Kong lui permet de travailler et de créer, tandis que les autorités chinoises censurent internet.
La troisième œuvre consiste à mettre ses mains dans une sorte de réceptacle et de mimer les positions proposées par un écran placé au-dessus. Le réceptacle prend une photo de vos mains. Le but est de démontrer que par nature l’humain n’arrive pas à une exactitude « numérique », que ce soit par maladresse ou besoin de créer.
À l’instar de ces cirques itinérants qui dressaient leur chapiteau dans des terrains vagues en périphérie des agglomérations, la TOHU se situe à l’écart du centre de la ville. Sur le chemin avant d’arriver à la salle d’exposition, l’exposition Haïti – les yeux du ciel composée de photographies grand format capturées du haut des airs par l’artiste Daniel Desmarais nous sensibilise à une autre forme d’empreinte humaine.