Martin Prévost
Dans le cadre de la Série des Premières de l’Ensemble Arion, ces concerts plus courts et sans entracte du jeudi, c’est à une soirée aux effluves français à laquelle était convié le public, ce 16 février, à la Salle Bourgie.
Avec des œuvres de Michel-Richard de Lalande, de Georg Philipp Telemann (sous influence française et galante) et de Jean-Philippe Rameau, Arion jouait visiblement dans son carré de sable. Si le programme présenté ne brillait pas par son originalité ou son audace comme à moult reprises, il n’en était pas moins complet et significatif d’une période précise de la musique française dans toute son orfèvrerie, dans toute sa finesse et sa gloire.
Sous la direction du violoniste et chef invité, Rodolfo Richter, la première œuvre au programme, La Grande Pièce royale, S. 161, a donné la chance à l’orchestre élargi de montrer ses couleurs et aux hautbois d’être mis en valeur. Le chef s’est montré très à l’aise et en parfaite communication avec ses musiciens, mais la partition ne nous permettait pas de profiter pleinement de son talent de soliste.
Pour apprécier pleinement les solistes, justement, il fallait être là pour entendre l’interprétation du Concerto pour flûte, violon et violoncelle, TWV 53: A2, tiré de la première production de Musique de table de Telemann. Trois solistes, donc et trois performances sans défaut. Claire Guimond, d’abord, à la flûte baroque. Quelle énergie, quelle passion communicative et quel jeu: toujours juste et plein de nuances! Dans cette œuvre, où la partie de violoncelle solo est particulièrement riche, il fallait voir Kate Bennet Wadsworth exiger de son instrument toute la finesse et toute la vigueur qu’on peut en tirer. L’intensité de Mme Bennet Wadsworth n’est pas nouvelle, mais c’est toujours un plaisir pour les yeux autant que pour les oreilles. Et que dire de Monsieur Richter dans cette œuvre où le violoniste ne peut qu’éclipser le chef ? Eh bien, disons que l’archet de Richter semblait animé d’une vie propre, être plus léger que l’air et voler au-dessus des cordes plutôt que les frotter. Difficile à décrire, il fallait y être. Heureusement, il reste les représentations du 17, 18 et 19 février.
Pour compléter le programme, nous avions droit à une suite tirée de l’opéra bouffa Platée, de Jean-Philippe Rameau. Bon, j’ai un faible pour Rameau, pour moi le plus grand conteur de l’époque baroque. L’inventeur des histoires sans paroles. Bien sûr, pour conter sans paroles, il faut être un maître de la composition. Il faut comprendre que l’orchestre est un animal qui vit, qui palpite, qui peut exploser. Pour bien rendre ce genre d’œuvre, il faut des musiciens qui se donnent, qui en veulent, qui sont sérieux, mais qui veulent s’amuser. Je me rends compte que je viens de définir l’ensemble Arion. En tous cas, c’est l’ensemble que j’ai entendu en ce jeudi soir: des gens doués et passionnés, de grands professionnels. Courez les entendre, d’ici dimanche.