Œuvre énigmatique à la portée infinie, Toni Erdmann est sans conteste le bijou dont tout le monde parle à condition de se laisser prendre par l’étreinte qu’il finit par nous tendre de par ses détours aussi saugrenus que déchirants.
Comme tel, il n’y a rien de bien nouveau dans ce que Toni Erdmann essaie de montrer, de faire ou même de raconter. Des histoires père-fille, de surmenage, de famille, on en a vu des tonnes. Pourtant, de par son naturel désarmant et son réalisme décapant, évoquant d’une certaine manière le Dogme 95 tout comme de par le fait même les écarts plus humoristiques de Lars Von Trier comme Idioterne ou The Boss of it All, voilà que le film de Maren Ade pose d’essentielles questions en ne manquant pas de divertir constamment ses spectateurs avec une inspirante créativité.
Imprévisible de son début jusqu’à sa toute fin, le long-métrage ne cherche pas à épuiser durant ses 162 minutes, au contraire. Il sait plutôt comment habilement se réinventer en changeant le cap de son point d’intérêt qu’il fera dériver via Winfried et sa fille Ines qu’il poussera à constamment s’influencer face à un quotidien qui s’annonçait comme étant tout sauf palpitant.
C’est simple, l’un est bouffon, nomade et le cœur à la rigolade, et l’autre est sérieuse et dévouée à son emploi. Pourtant, ils se sont jadis aimés de tout cœur et appréciés comme un père et une fille le devraient et, si cela ne semble plus être le cas, ils se ressemblent encore beaucoup et sont encore liés par une même folie spontanée. C’est donc durant un passage surprise et momentané que leur destin se recroisera à nouveau et au travers de circonstances toutes plus inattendues les unes des autres que la vie n’aura d’autres choix que de les pousser à reconnecter l’un avec l’autre et vice-versa, redécouvrant à la fois le véritable sens de la vie, mais aussi de la famille, remettant en question les travers de la modernité et ses nombreux excès entravant le véritable bonheur.
Et s’il est mieux de se lancer dans la proposition qu’est Toni Erdmann en s’informant le moins possible pour avoir le maximum de surprises (puisqu’elles sont définitivement nombreuses), il faut admettre que sa morale vise la simplicité et que cette dernière est bien retransmise par la mise en scène, discrète, proche de ses sujets, mais d’une si grande efficacité. Et au fur et à mesure qu’on suit ses personnages pratiquement en temps réel dans certaines situations toujours plus inusitées les unes des autres, on finit par y ressentir nos propres émotions qui passent du fou rire incontrôlable jusqu’à notre cœur qui a envie d’emplir nos yeux d’eau.
Il y a donc de la magie dans ce très beau film, mais aussi beaucoup d’humanité. Oui, cela aide d’avoir des performances aussi exceptionnelles de ses comédiens des rôles plus petits jusqu’aux plus importants. Mais rien ne bat la complicité indéniable de Sandra Hüller et Michael Wittenborn, individuellement fantastiques, mais encore plus extraordinaires lorsque réunis.
Et si la musique a souvent une façon unique de tout résumer sans trop en faire, comme lorsque Plainsong de The Cure explose durant le générique final, il sera difficile de ne pas déclarer l’interprétation d’une pièce de Whitney Houston comme l’un des moments cinématographiques les plus importants du septième art des dernières années.
Toni Erdmann est donc un film merveilleux qui grandit avec nous et en nous autant durant le visionnement que lors des jours qui en suivront l’écoute. On se sera tellement identifié aux personnages et leur quotidien qu’on y repensera comme des proches qu’on a envie de revoir, réconforter et étreindre aussi fort qu’ils nous auront fait grandir avec ce désir puissant d’embrasser la vie dans ce qu’elle a de plus simple, de plus pathétique peut-être, mais aussi de plus vrai et de plus beau.
8/10
Toni Erdmann prend l’affiche en salles ce vendredi 17 février.