L’organisme Global Witness a prélevé 185 assassinats de militants écologistes à travers le monde pour l’année 2015. Parmi les 17 pays concernés, sept d’entre eux se situent en Amérique latine.
Au sud de l’État de Chihuahua au Mexique, un deuxième chef autochtone se portant à la défense de la forêt a été assassiné en moins d’un mois, rapporte El Pais le 4 février. « À plusieurs reprises, le chef de la communauté Cochéri, Juan Ontiveros a fait appel au gouvernement mexicain pour lui faire part des préoccupations et des problèmes des communautés indigènes en relation avec la criminalité, incluant la délinquance organisée dans la région. Le 20 janvier il a participé à une réunion avec les autorités étatiques et fédérales, à ce sujet », note un communiqué d’Amnistie internationale. Accusant le crime organisé lié au trafic de drogue, les autorités nient l’existence d’un lien entre le meurtre de Juan Ontiveros le 31 janvier et celui d’Isidro Baldenegro survenu le 15 janvier, ce dernier avait reçu le prix Goldman comme l’écologiste Berta Cáceres assassinée le 3 mars au Honduras.
Le 28 juin 2009, le président du Honduras, Manuel Zelaya a été renversé par l’armée. Les manœuvres de Washington contribuant à la réussite du putsch ont scandalisé les habitants de la région, sans que cela empêche les États-Unis de soutenir les gouvernements conservateurs qui se sont succédé, rapporte l’analyste politique au Center for Economic and Policy Research (CEPR) à Washington, Alexander Main dans le Monde diplomatique de janvier.
Dans la foulée, le Honduras a adopté une loi générale des eaux qui autorise l’octroi de concessions sur un tiers des ressources en eau du pays. En six ans, cent neuf Honduriens ont été tués pour avoir pris position contre des projets de barrage hydroélectrique, d’exploitation minière, forestière ou agro-industrielle. À San Francisco de Ojuera, l’écologiste Berta Cáceres protestait contre le barrage, la militarisation de la zone et l’harcèlement policier avant de se faire assassiner.
L’administration du président Barack Obama a conditionné son aide aux pays les plus pauvres par des réformes profitant aux investisseurs étrangers, dont la mise à jour du plan Puebla-Panama lancé en 2014 avec le Guatemala, le Honduras et le Salvador, rapporte l’analyste du CEPR, Alexander Main. Ce nouveau programme fait la promotion de l’énergie « renouvelable » au nom de la lutte contre le réchauffement climatique.
Il s’agit de connecter les centrales hydroélectriques à la nouvelle ligne à haute tension de 1800 km qui traverse six pays. Le Système d’interconnexion électrique d’Amérique centrale (Siepac) est encouragé par les prêts de banques internationales et les filiales des agences de coopération européennes qui se consacrent au soutien du secteur privé des pays du Sud, rapporte le Monde diplomatique d’octobre.
Au lieu de généraliser le cas du Costa Rica à toute l’Amérique centrale, où les mouvements sociaux veillent à préserver le secteur public, la privatisation engendrée par le plan Puebla-Panama n’aide pas, par exemple, les Guatémaltèques incapables de payer leurs factures d’électricité. À la suite de manifestations contre les hausses tarifaires entre 2012 et 2014, 97 personnes ont été incarcérées, 220 blessées et 17 tuées.
Selon une étude de Global Witness publiée le 20 juin 2016 sur les militants écologistes tués en 2015, le Brésil arrive en tête du classement avec 50 morts, suivi des Philippines et de la Colombie.
Victoires autochtones
Le projet hydroélectrique de l’entreprise Enersi SA de CV sur la rivière Armería, à la hauteur des communautés de Zacualpan et La Caja dans la municipalité de Comala dans l’État de Colima au Mexique, évalué par l’institution SEMARNAT le 18 février a été rejeté par cette dernière au mois de décembre dernier, rapporte le Comité pour les droits de la personne en Amérique latine (CDHAL).
À la suite du rejet du projet Armería par plusieurs populations autochtones, trois organismes ont fait parvenir un document signalant les effets négatifs possibles sur la population et l’environnement de la région à la Direction générale sur l’impact et les risques environnementaux (DGIRA), qui a refusé d’octroyer son autorisation.
À partir du Honduras, la médiatisation de l’assassinat de l’écologiste Berta Cáceres a conduit plusieurs bailleurs de fonds internationaux à suspendre leur financement au projet Agua Zarca. L’entreprise allemande Voith Hydro a gelé toute livraison de turbines à l’entreprise hondurienne, dans l’attente des conclusions de justice, rapporte le Monde diplomatique.
Malgré ces démonstrations de solidarité envers les peuples autochtones, le président Donald Trump a nommé plus d’anciens militaires aux plus hautes responsabilités en matière de sécurité que n’importe quel autre présidents depuis la Seconde Guerre, note l’analyste du CEPR, Alexander Main qui redoute un nouveau plan Colombie étendu à de nouvelles régions, dont la zone que partage l’Argentine, le Brésil et le Paraguay.
En parallèle, la Chine apparaît comme un contrepoids aux États-Unis, poursuit l’analyste du CEPR. Ses échanges commerciaux ont bondi d’environ 13 milliards $ US en 2000 à 262 milliards $ US en 2013, la plaçant au deuxième rang des destinataires des exportations régionales. La pauvreté en Amérique latine a baissé de 44 à 28% entre 2002 et 2014, avec l’arrivée de ce nouveau géant.
Si les investissements chinois en Amérique latine soulèvent les mêmes problèmes sociaux et environnementaux que ceux des États-Unis, ils ne comportent pas de clause politique… une différence non négligeable.