Geneviève Cournoyer-Scalise
C’est sous la bannière de l’économie protectionniste que Donald Trump relance les deux projets de pipeline Keystone XL et Dakota Access. Même si ces projets restent grandement controversés, le nouveau président américain promet richesse et emplois au peuple américain au détriment de la protection de l’environnement.
Pourtant, l’administration Obama avait freiné ces projets en 2015, puisqu’ils ne représentaient pas un enjeu d’intérêt national. L’ancien président avait même allégué à l’époque que « transporter du pétrole brut et sale jusque dans notre pays ne renforce pas la sécurité énergétique des États-Unis et ce projet va à l’encontre des objectifs ciblés en faveur de la lutte contre les changements climatiques ». M. Obama avait alors ordonné de se référer à des études plus approfondies quant aux impacts environnementaux néfastes que pouvaient générer de tels projets afin qu’ils soient conformes avec la loi nationale sur l’environnement (NEPA). Toutefois, la nouvelle administration qui siège à la Maison-Blanche compte gérer le dossier avec une approche beaucoup plus agressive.
Déjà en mai dernier, alors en campagne électorale dans le Dakota du Nord, M. Trump avait annoncé « Je veux le construire [Keystone XL], mais je veux une part des profits, c’est ainsi que notre pays redeviendra riche. » Désormais à la tête du Bureau ovale, le nouveau président des États-Unis a signé plusieurs décrets pour presser la construction de ces deux oléoducs en plus de renégocier les ententes avec ses partenaires pour mener à terme le plus rapidement possible ces deux projets respectifs.
M. James Rubin, ancien avocat de la défense environnementale et représentant d’agence au sein du groupe de travail dédié aux changements climatiques à la Maison-Blanche de 1995 à 2000, affirme que « la signature des décrets, signés le 24 janvier dernier par M. Trump, comprend et ordonne un délai expéditif de 60 jours aux différentes instances gouvernementales pour qu’elles rendent les conclusions hâtives sur les études commandées antérieurement, le tout afin d’annihiler les résultats des études environnementales plus approfondies et d’accélérer le processus d’acceptation ». Il ajoute que « même si ces projets d’oléoducs ne requièrent pas de permis présidentiel, il sera plus difficile de contester une telle décision puisque le permis dépendra d’une autorité exécutive et non pas de la loi statutaire ».
De son côté Anthony Torres, du Sierra Club, un organisme qui a pour but de protéger la région du Sierra Nevada, a mentionné que « la contestation contre le projet se poursuivra sous trois formes: dans la rue, devant les tribunaux et auprès des gouvernements des États et des municipalités ».
Impact pour le Canada
En conférence de presse, l’actuel porte-parole de la Maison-Blanche, Sean Spicer, a expliqué que le décret concernant Keystone XL a pour but « d’inviter TransCanada à revoir la proposition à la hâte et ordonne aux agences fédérales une approbation sans délai. »
À la suite de cette annonce, le premier ministre Trudeau a réaffirmé son appui au projet Keystone XL lors d’une conférence de presse à Calgary: « Je suis en faveur de ce projet qui va amener de bons emplois pour les Albertains et favoriser la croissance économique. »
Même son de cloche évoqué par le ministre des Ressources naturelles, Jim Carr, qui prétend que la portion canadienne du projet pourrait créer jusqu’à 4500 emplois directs et indirects. Cependant, une fois la phase construction terminée, TransCanada prétend qu’il faudra en moyenne que cinquante personnes pour maintenir le bon fonctionnement de l’oléoduc en sol canadien, soit 35 employés et 15 entrepreneurs.
Tout comme ces homologues du gouvernement fédéral, la nouvelle ministre des Affaires étrangères se réjouit de la relance du projet d’oléoduc: « C’est une très bonne décision pour le Canada et surtout pour l’Alberta. L’Alberta a besoin de travail. C’est une bonne journée. » Néanmoins, Mme Freeland s’oppose à la volonté du président américain d’exiger que les tuyaux de Keystone XL soient fabriqués aux États-Unis et en acier américain. En entrevue à l’émission 24/60 la semaine dernière, elle a déclaré « qu’il s’agit d’une approche protectionniste et que ce n’est pas une bonne idée d’avoir une telle approche étant donné les proches relations économiques entre nos deux pays ».
Lumière sur Keystone XL et Dakota Access
- Keystone XL
Le but : accélérer l’acheminement du pétrole provenant des sables bitumineux de l’Alberta vers le Nebraska et le golfe du Mexique. Il s’agit d’un projet de 8 milliards de dollars qui s’étend sur 1897 km, dont 1400 km aux États-Unis pour que l’or noir canadien soit raffiné au sud du Texas.
Depuis l’annonce initiale du projet, les associations écologiques dénoncent l’extraction énergivore qu’engendrent les sables bitumineux en plus du grand volume de gaz à effet de serre qu’ils produisent. De plus, dès sa première année d’exploitation, Keystone a connu une douzaine de fuites, dont un déversement majeur de 63 000 litres de pétrole sur un terrain du comté d’Hutchinson, dans le Dakota du Sud, le 2 avril 2016.
Selon TransCanada, Keystone XL permettrait de transporter 830 000 barils de pétrole brut par jour, ce qui réduirait la dépendance énergétique américaine de 40% envers le Venezuela et le Moyen-Orient. Toutefois, il semblerait que ce pétrole servirait principalement à l’exportation vers l’Amérique latine et l’Europe, un argument concédé par l’ancien président Obama qui a donné raison aux opposants du projet juste avant de le suspendre.
- Dakota Access
L’oléoduc passe à travers quatre états américains sur près de 1900 km pour transporter le pétrole du Dakota du Nord jusqu’en Illinois. Un projet de 3,8 milliards de dollars.
Un fort mouvement de protestation a été intenté par la tribu sioux de Standing Rock : selon les plans de construction, le pipeline traverse des terres sacrées et risque de polluer de manière significative la principale source d’eau de la région en cas de déversement. Pendant plusieurs mois, la population du Dakota du Nord, des environnementalistes et des membres de la tribu ont bloqué les travaux, ce qui a mené à des affrontements musclés entre les membres de la communauté, les entrepreneurs et les forces de l’ordre. Les autorités américaines ont mis fin au conflit en décembre 2016 en recommandant d’étudier un tracé alternatif, une priorité qui ne semble tout simplement plus à l’ordre du jour.