Mathilde Perallat
La nouvelle création de Philippe Boutin, au Théâtre Denise-Pelletier, décoiffe et déride, et ce en portant sur le thème pourtant très sérieux de l’humanité.
Sur le gros monolithe blanc placé au centre de la scène, le stroboscope fait le noir et le jour à la vitesse des battements de cils. Ainsi commence notre plongée dans l’univers fantasmagorique, décalé et complètement loufoque de Philippe Boutin qui sonde les tréfonds de l’humain jusqu’aussi loin que dans les désirs secrets des primates, nos chers cousins.
Ce charmant primate a effectivement des désirs de grandeur et quand soudainement sous un costume de mime, il comprend qu’il a trouvé la liberté, quelle n’est pas sa surprise de se voir envahir par tant de pouvoirs? À quoi pourront-ils lui être utiles à ce mime-primate? C’est l’homme, lui seul, qui pourra peut-être lui donner une réponse. À quoi lui ont servi l’intelligence et la toute-puissance, on vous le demande? À bien peu de choses à l’en croire la marionnette philosophe en conversation avec la mouche au sexe géant. Car le primate serait, paraît-il, aussi intelligent que nous, mais plus heureux, plus égalitaire et moins misogyne. Alors où seraient donc passées nos années de lutte pour nous extraire des bassesses de la nature?
En dehors de ces grandes considérations, la pièce de Philippe Boutin, le nouveau petit chouchou de la scène montréalaise, explore le mime en nous, le clown qui nous veille, la danse qui nous libère. C’est surtout un hymne au délire par la mise en lumière du combat perpétuel que nous vivons entre la raison et l’absurde. Après ses grandes formes performatives, présentées dans des lieux atypiques, Boutin réussit cette fois à repousser les limites du théâtre en salle. Il a un don certain pour chorégraphier les corps et faire jouer ses comédiens. Les interprètes sont magnifiques, aussi gracieux que drôles, une justesse qui fait les belles œuvres. On rit beaucoup et c’est si rare au théâtre. Il y a du cynisme certes mais il reste un peu d’espoir (si on peut encore à en rire, c’est qu’il reste de l’espoir, n’est-ce pas ?).
Le monolithe qui divise la scène sépare aussi les saynètes faisant en sorte que singe, homme, clown, mouche, mime, marionnette se partagent l’espace et le micro à qui saura mieux exposer la meilleure partie de lui-même. Car au gré des fantaisies et blagues aussi potaches qu’absurdes, l’homme face à lui-même, à son passé, et à son environnement n’a de cesse de s’autopersuader de sa propre importance.
On repense alors aux petits pamphlets qui avaient été déposés sur nos sièges et qui indiquaient « VIP, Personne Vraiment Importante », et c’est alors qu’on comprend le clin d’œil. Boutin a bouclé la boucle, et à moi aussi il me l’a bouclée.
Being Philip Gold
Au Théâtre Denise Pelletier
Du 25 janvier au 11 février