L’OSM poursuit ces jours-ci un marathon de quatre concerts en trois jours sur le thème de la musique minimaliste dans lequel des compositeurs de ce courant musical sont jumelés à une l’un des symphonies de Haydn. Après Ravel, joué mardi soir, c’était le tour du compositeur Philip Glass ce mercredi soir.
Particulièrement reconnu pour son implication dans l’habillage sonore de documentaires cinématographiques – on en recense plus d’une dizaine de collaborations – Philip Glass ne fait pas son apparition très souvent sur les planches d’un grand orchestre symphonique, et surtout pas à Montréal. La soirée fut donc l’occasion de découvrir la magie de cet influent compositeur américain dont la touche est reconnaissable entre mille, mais dont le nom et la richesse de son œuvre demeure souvent méconnu, mis à part le formidable succès populaire d’Einstein on the Beach.
Cette soirée sous le thème du « minimalisme » était aussi l’occasion d’entendre une œuvre peu jouée, la symphonie N. 101 en ré majeur dite L’horloge par Joseph Haydn de même que son concerto pour violon N.1 en Do majeur, artéfact historique de ce courant musical.
Philip Glass abhorre d’ailleurs le terme « minimalisme » qu’il préfère appeler une « musique à structures répétitives ». Mais c’est surtout que chaque œuvre de Glass semble toujours être composée des mêmes ingrédients, voire carrément des mêmes trames mélodiques, mais dont une subtile différence provoque un sentiment nouveau à chaque variation. Ces thèmes sont immédiatement reconnus et perpétuellement repris, retravaillés, subtilement réinventés d’une pièce à l’autre. On lui doit par exemple au sublime concerto pour piano intitulé Metamorphosis lequel reprend au piano la même recherche formelle et les mélodies que ses œuvres précédentes pour cordes, par exemple Façades. Bref, Philip Glass demeure un monument de la musique contemporaine, qui certes ne plaît pas à tous, mais qui mérite une attention soutenue afin d’en décortiquer chaque parcelle. Les pièces apparaissent ainsi stratifiées de couches successives : une base obligée de graves en staccato sur laquelle une tenue de cordes se modifiera imperceptiblement au fur et à mesure de l’avancement.
En ouverture de concert, nous eûmes donc droit à Company, composée en 1983 pour une pièce de Samuel Beckett à New York, d’abord composée pour quatuor à cordes et retranscrite pour orchestre par la suite. Explorant la même structure musicale de manière obsessive, cette suite est composée de quatre courts mouvements dont le tempo saccadé des contrebasses est là encore additionné d’une ligne mélodique sous-jacente qui explore la même variation subtile sur un même thème d’une pièce à l’autre.
Dans Akhnaten (prélude), cette marche des graves, envoûtante, avançait lentement, au rythme de l’archet des contrebasses, un peu comme un bateau qui tangue, lancinant parmi les trépidations des vagues. Il s’agissait d’un beau moment de musique, dirigé avec justesse par un Kent Nagano sensible et méticuleux dans son décodage de l’œuvre de Glass.
En comparaison de la trop courte interprétation de l’œuvre de Glass en ouverture de chacune des parties du concert, la longueur des pièces d’Haydn semblait disproportionnée. La facture minimaliste de son œuvre s’articule autour d’un retour aux fondements de la musique: la tonalité et la répétition des motifs.
Devant l’hémicycle de l’orchestre, le violon solo invité, Pinchas Zukerman, livra une prestation enjouée, dirigeant tantôt l’orchestre de la pointe de son archet, livrant autrement un solo virtuose dans une grande envolée lyrique. Dans l’Adagio, les longues remontées sont brutalement interrompues alors que l’Adante se conclut dans une sorte de farandole chromatique à l’aspect joueur. On regrettera toutefois une sorte d’interprétation clinique de Haydn qui n’a pas réussi à transposer la complexité du langage minimaliste du compositeur en sentiment émotif soutenu, à l’instar de Glass. C’est donc témoin de cette route linéaire, et laissé quelque peu sur notre faim que ce concert s’acheva. Il faut dire que d’enchaîner ces performances en série en si peu de temps n’est peut-être pas l’idée du siècle si l’on souhaite se concentrer sur la qualité et la sensibilité de l’interprétation…