Et de quatre! La quatrième saison des aventures du détective le plus intelligent du monde prenait fin dimanche soir dans une floraison de révélations tordues et de déductions sensationnelles effectuées à la vitesse de l’éclair. Et après quatre saisons bien remplies, force est d’admettre que la série semble vouloir prendre fin sans s’être préalablement « peinturée dans un coin ».
Au fur et à mesure qu’elle gagnait en succès, la série Sherlock a bien entendu décuplé exponentiellement les attentes des fans. Le fait que ses deux principaux acteurs, Benedict Cumberbatch et Martin Freeman, eurent vu leur emploi du temps se remplir à vitesse grand V y était aussi pour quelque chose. Sans oublier le fait qu’à l’image de nombreuses autres productions britanniques, Sherlock n’avait droit qu’à une poignée d’épisodes par saison. Ce cocktail a fait en sorte que la pression est progressivement devenue immense sur les épaules des créateurs et scénaristes Steven Moffat et Mark Gatiss.
Arrive donc cette quatrième fournée d’épisodes, fortement attendue après le soi-disant retour triomphal d’un James Moriarty que l’on croyait pourtant mort depuis la fin de la deuxième saison. Si, comme on ne s’en doute que peu, ces 11e, 12e et 13e parties des aventures du détective au chapeau ont profondément divisé les amateurs, force est d’admettre que même après quatre saisons, les scénaristes étaient encore en mesure de sortir un lapin de leur chapeau. On évitera certes les trop grandes révélations, mais le fait d’annoncer, dans le deuxième épisode, l’existence d’une mystérieuse soeur à Mycroft et Sherlock a surpris bien des gens. Ce nouveau personnage, la terrifiante et envoûtante Eurus, semblait brièvement sortie du champ gauche, mais Moffat et Gatiss ont su éviter le dérapage, offrant au passage le meilleur épisode de la saison. Plans de caméra ingénieux, superbes compositions scéniques, sans oublier la révélation qui estomaque le télévore, tout était réuni pour créer des étincelles… et enflammer les réseaux sociaux.
Par comparaison, ce qui est probablement la grande finale de la série a parfois semblé tourner les coins ronds. Oh, le public a certainement droit à une nouvelle dose de révélations et d’explications sur l’enfance de Sherlock, Mycroft et Eurus, avec jeux de l’esprit et chantages intellectuelles à la pelle, mais mis au pied du mur devant l’obligation de trouver (encore) un méchant à la hauteur du délicieusement démoniaque Moriarty, Moffat s’empêtre dans les coins rondement tournés et les petites dissonances scénaristiques qui gâchent un peu le plaisir.
De là à dire que le résultat est décevant, il y a un pas que bien des internautes et des amateurs de la sous-section Sherlock sur l’agrégateur de contenu Reddit se sont empressés de franchir, mais ce journaliste s’abstiendra d’agir de la sorte. Non, cette finale n’est pas à la hauteur d’attentes désespérément placées en hauteur, mais la faute en incombe peut-être au fait d’avoir tué l’adversaire le plus intéressant il y a de cela plusieurs années déjà. Le public avait eu deux ans pour apprendre à connaître Moriarty, à aimer et détester ce personnage séduisant et mortellement dangereux; sa mort aura été un choc, et les rumeurs de son retour avaient alimenté les rumeurs les plus folles. Il était franchement impensable de susciter la même réponse émotionnelle en employant un personnage qui n’existe que depuis trois heures. Moriarty n’aurait peut-être pas dû mourir, qui sait?
Quoi qu’il en soit, la quatrième saison de Sherlock s’écoute avec un intérêt renouvelé, et comme rien n’est parfait, les petites aspérités sont rapidement oubliées.
Y aura-t-il une cinquième saison? Un autre épisode spécial – qui avait été fort réussi, d’ailleurs? Un film? La séquence de fin de la finale semble vouloir fermer la porte à ces possibilités… sans pour autant les exclure. Peut-être est-il temps de passer à autre chose. Avant que la qualité ne soit plus au rendez-vous, ou que le public, les créateurs ou les interprètes ne se lassent.