Comme si on n’avait déjà pas assez de motifs d’inquiétude, le journaliste Ed Yong a choisi de nous souhaiter de joyeuses Fêtes à travers un scénario d’épidémiologie… de l’ère Trump.
Il est vrai que la question n’est pas de savoir s’il fera face à une épidémie inquiétante pendant sa présidence. Il devra inévitablement y faire face: statistiquement, un autre événement de type Ebola, Zika ou H1N1 se produira dans les quatre prochaines années. Or, aux yeux d’Ed Yong, « les maladies infectieuses sont le test ultime pour un chef d’État qui veut jouer à l’échelle mondiale. Elles demandent de la diplomatie, une force de décision, du leadership, de l’humilité et de l’expertise. » Si vous n’êtes pas inquiets devant cette énumération, l’auteur ajoute une couche: une épidémie agit comme un révélateur de celui qui manque cruellement d’expertise.
Le bioéthicien Art Caplan, de l’École de médecine de l’Université de New York, y voit un prétexte en or pour glisser vers un gouvernement autoritaire et isolationniste. Dans un billet de blogue écrit en mars 2016, il imaginait une pandémie qui, après être apparue chez des poulets en Chine, se répand chez les humains. Aux États-Unis, des théories du complot sur du bioterrorisme islamique ou chinois se mettent à fleurir dans les médias et dans le climat de panique qui s’ensuit, le gouvernement Trump ferme les frontières et instaure des quarantaines. « Alors que d’autres Américains deviennent malades et meurent, Trump décide de mettre en quarantaine les malades et leurs familles. “Les peureux n’ont rien fait pour Ebola et le zika, et la même chose ne va pas se produire sous mon gouvernement.” »
De plus en plus d’Américains protestent contre les règles trop strictes de la quarantaine, et Trump passe à l’étape suivante: loi martiale, armée dans les rues, couvre-feu. Et guerre commerciale contre la Chine accusée d’être responsable de la pandémie.
Scénario exagéré? La guerre contre Ebola a pourtant été une affaire de science autant que de politique: une coordination entre les pays riches — les États-Unis en tête — l’Organisation mondiale de la santé et les pays africains touchés, de même que leurs voisins, a été indispensable pour en venir à bout. Et encore a-t-il fallu du temps pour organiser cette réaction internationale, comme s’en est plaint en 2014 l’organisme Médecins sans frontières, par la voix de sa présidente, la Québécoise Joanne Liu. « Six mois après le déclenchement de la pire épidémie de l’histoire d’Ebola, le monde est en train de perdre la bataille. Les chefs d’État ont failli à réagir à cette menace. Dans les pays touchés, des travailleurs de la santé meurent et les systèmes de santé sont dépassés. »
Et c’est sans compter les peurs irrationnelles d’Ebola et autres fausses nouvelles, en Afrique et dans les pays occidentaux. Dans ce contexte, un président qui semble se nourrir aux sites de droite et d’extrême-droite eux-mêmes adeptes de théories du complot, n’est pas rassurant. Un président qui avait de plus twitté en 2014 pour mettre en doute les propos des experts sur Ebola. Et une administration dont les futurs membres, jusqu’ici, ne sont pas spécialement réputés pour leur attachement aux faits.
Ed Yong conclut : « Les tweets de Trump sur Ebola révèlent aussi comment il agirait avec une épidémie en tant que président. Il a plusieurs fois appelé à mettre fin aux vols entre les États-Unis et les pays infectés, même quand aucun vol de ce genre n’existait, et même si de telles interdictions de vol ne fonctionnent pas. Il a dit que les travailleurs de la santé américains infectés devraient être interdits de retour. “Les gens qui vont dans des endroits lointains pour aider sont très bons — mais doivent en souffrir les conséquences.” »
Le seul bémol à toute cette politique-fiction est qu’on en sait très peu sur le programme médical — ou scientifique en général — de la future présidence, tant les réponses aux questions à ce sujet ont été rares et évasives. La suite en février, lors du dépôt du budget.