Jeté dehors d’un appartement aux allures de cercueil capitonné, notre héros se retrouve bien malgré lui partie prenante d’un gigantesque processus de rééducation représentant l’ouverture forcée vers l’autre via les loisirs. À croire que les interactions sociales n’iront qu’en s’améliorant si l’entreprise privée s’impose de force comme remède contre les jours gris.
Cette Rénovation, publiée chez Boréal, est un pastiche relativement peu subtil de notre société du divertissement et de ses diktats. Si l’avènement de la société des loisirs n’a pas vraiment eu lieu – du moins, pas pour la classe moyenne -, l’auteur semble néanmoins prendre un plaisir évident à s’attaquer au mythe des modes et des tendances multipliées par les réseaux modernes à grands coups de hache.
Notre protagoniste (par la force des choses, faut-il le souligner) a beau être l’incarnation de l’indécision et de l’apathie, il représente parfaitement bien l’individu lambda qui, placé devant tant de choix et de perspectives qui n’ont d’égal que l’ennui qu’ils provoquent, est poussé à se tourner vers lui-même et à s’isoler du monde extérieur, assailli qu’il est par tant d’ordinaire, voire de médiocrité.
Confiné à un centre qui semble offrir des services d’endoctrinement et de rééducation, notre héros malgré lui est témoin d’une transformation radicale de son environnement. De lieu de « guérison », le centre en question deviendra le bâtiment principal d’un gigantesque parc d’attractions, où les anciens « patients » deviendront des employés logés et nourris, mais pas payés. De cette forme d’esclavage moderne, on ne peut s’empêcher de penser à tous ces contrats demandés aux journalistes et autres travailleurs du monde de l’information, des médias et des communications qui se font réclamer du travail gratuit « en échange de visibilité ». Le texte évoque aussi les dédales des romans kafkaïens, voire la Maison qui rend fou dans Les douze travaux d’Astérix. Le monde du parc d’attractions comporte des règles que tous semblent connaître, à l’exception du narrateur, qui est même carrément incapable de voir autre chose, sur des documents officiels, que des pages désespérément blanches.
Si les métaphores et les images évoquées dans Rénovation ne sont pas toujours subtiles, le roman de Renaud Jean démontre une étonnante solidité, solidité qui se confirme au fur et à mesure que l’on en tourne les pages.
De la lecture de cette ouvrage surgiront des réflexions fort pertinentes sur notre course à la dernière tendance et notre désir d’être constamment divertis, sans nécessairement réfléchir aux conséquences. Un livre à ajouter à sa bibliothèque.
Rénovation, de Renaud Jean, publié chez Boréal, 135 pages.