Pauvre Justin Kurzel, ce talentueux cinéaste australien qui a fait passer ses amitiés devant sa carrière, se ramassant dans le foutoir maudit qu’est l’adaptation cinématographique de la série de jeux vidéo Assassin’s Creed. Il s’agit aussi de la première production entière de Michael Fassbender, qui s’est plus impliqué que jamais dans un long-métrage, remettant en cause toute l’étendue de ce qu’on a jadis appelé du talent.
Rien ne va plus pour Michael Fassbender. Sans Steve McQueen il est perdu, retrouvant ses mauvaises habitudes de jouer dans des productions tous plus douteuses les unes des autres. Bien sûr, il y a encore des Slow West et des Steve Jobs pour le remettre sur un certain droit chemin, mais de le voir crier en Magneto dans les X-Men ou s’effacer complètement aux côtés de sa flamme pour Alicia Vikander dans le foncièrement ennuyeux The Light Between Oceans fait mal au cœur.
On aurait pu croire que de le pousser à ramener de l’avant l’équipe gagnante composée notamment de Justin Kurzel, lui-même et Marion Cotillard mène au succès, mais la réalité est que Fassbender n’a aucune idée de ce qu’est Assassin’s Creed, cette série de jeux vidéos qui a principalement vu le jour à Montréal, et a plutôt transformé cette adaptation en expérience pour mieux se familiariser avec le cinéma.
À l’inverse de Duncan Jones qui a profité de sa passion pour Warcraft afin d’en faire un film mitigé, on voit bien ici que la majorité des gens qui participent au projet ont bien de la difficulté à cerner l’essence de la chose, camouflant leur incompréhension de l’univers pour un désir de s’éloigner de la trame narrative principale pour ne pas « interférer avec le jeu ». C’est joli sur papier, mais beaucoup moins concret sur grand écran.
Certes, on voit que des essais sont faits. Le surdoué directeur de la photographie Adam Arkapaw continue de jouer avec la fumée et les couleurs, et parvient à épouser un style visuel qui épate dans sa façon de marier le jeu vidéo à quelque chose de plus cinématographique, ce, autant dans les plans que dans la façon de multiplier les angles. Avec Kurzel, ils essaient de tirer le meilleur du piètre scénario et disons que c’est assez dur.
Avec une prémisse aussi stupide – on cherche littéralement un remède pour la violence qu’on voit ici comme d’une maladie à guérir (vraiment?) -, on se demande toujours comment on fait pour pousser le ridicule à un autre niveau et, avec surprise, on se surpasse constamment. C’est aussi par le biais des dialogues, majoritairement risibles, qui sont à la fois trop explicatifs, trop théoriques (pour bien mettre en contexte les références au jeu) et également trop insipides pour être pris au sérieux. Du coup, Marion Cotillard se retrouve encore, à peine quelques mois après le pathétique Allied, avec un rôle qui fait pratiquement passer sa mort dans The Dark Knight Rises pour du grand art.
Il faut dire que les présences internationales des nombreux Jeremy Irons, Brendan Gleeson, Denis Ménochet, Charlotte Rampling et même Ariane Labed ne changent pas grand-chose, surtout que ces derniers sont considérablement sous-utilisés. Même le frère Kurzel, Jed, tente de manipuler le tempo du mieux qu’il peut avec ses compositions musicales, mais, à défaut d’entraîner le corps du spectateur à s’agiter un peu pour ne pas s’endormir, ça ne retrouve décidément pas les élans épiques de Macbeth.
En fait, rien ici ne crie le même génie que le film précédent du cinéaste où tout y brillait avec brio. Il faut dire qu’en dépit de la présence de Michael Lesslie, scénariste-collaborateur habituel du cinéaste, on doit surtout se taper les idioties du duo composé de Adam Cooper et Bill Collage à qui l’on doit un grand lot d’insipidités qui vont de New York Minute avec les sœurs Olsen jusqu’à The Transporter Refueled et Exodus: Gods and Kings. Ceci expliquant cela, on se surprend alors que Kurzel a réussi à tenir son bout pour que les qualités techniques finissent néanmoins par ressortir du lot.
Mégaproduction oblige, les effets spéciaux sont plutôt réussis et le soin aux détails tout comme aux costumes et certains maquillages ébahis. Les scènes d’actions sont un brin trépidantes et on savoure la mise en scène posée qui laisse (un peu trop) respirer la mince histoire pour y faire ressortir une élégance notable. Bon, le montage ruine souvent la donne puisqu’on devine sans mal que Kurzel avait en tête un film beaucoup plus long et ambitieux, alors qu’on aurait vraisemblablement passé de 2 h 20 à 1 h 50. Comme quoi, trente minutes de moins, ça se fait vraiment sentir dans ces grandes coupes qui manquent d’élégance et de fluidité.
Enfin, Assassin’s Creed est un ratage, il n’y a pas de doute. Il continue de poursuivre cette malédiction non officielle de l’incapacité de pouvoir mener avec succès un jeu vidéo au grand écran. Et, malgré tout, on en ressort presque charmé. Peut-être parce que l’ensemble se prend tellement au sérieux qu’il finit par faire pitié et parce que son côté mauvais fait indubitablement rire aux larmes. On en vient même à se dire qu’il y a peut-être ici de quoi en faire un film culte tellement on sent constamment la déchirure entre quelque chose qui aurait pu être si intéressant et le résultat gâché qu’on a sous les yeux.
Comme quoi, dans cette quête à l’immortalité que le film exhibe parmi tant d’autres choses plus ou moins claires (franchise oblige?), on en vient à se dire que le ridicule ne tue peut-être pas toujours et, pour une rare fois, on en sera presque soulagé. Au moins, on aura été un brin diverti.
5/10
Assassin’s Creed prend l’affiche en salles ce mercredi 21 décembre.