En subissant le passage au grand écran de la famille fictive la plus crasse du Québec, on a bien du mal à se souvenir pourquoi on l’aimait tant dans le confort de notre salon il y a déjà plus d’une décennie. Votez Bougon, on l’espère, s’oubliera plus rapidement que le temps qu’il nous aura dérobé en vain.
Trop tard et trop peu seront les qualificatifs qu’on aura surtout en tête face au long-métrage des Bougon. En même temps, peut-être que dans la formule téléfilm le tout aurait été mieux digérable ou même en épisode double ou je-ne-sais-quoi, sauf qu’en long-métrage, n’en déplaise au talent de Jean-François Pouliot à la réalisation, cela ne fonctionne pas du tout.
Certes, la plume de François Avard en a beaucoup perdu, son style étant bien moins aiguisé et ses réflexions donnant davantage dans la provocation gratuite qu’autre chose, quand ça ne tombe pas dans le racisme et la misogynie. Oui, il partage le scénario avec Jean-François Mercier et Louis Morissette, mais on ne tentera pas ici de départager à qui revient les plus grandes fautes.
Pouliot devient alors le spécialiste des adaptations qui sont liées à un succès public notable, mais aux prises avec un scénario carrément défaillant, ayant dû se satisfaire du remake animé de La Guerre des Tuques tout comme de l’insipide suite des 3 p’tits cochons en moins de deux ans.
Ainsi, on veut se faire ici rassembleur et jumeler des thèmes auxquels tout le monde pourra se retrouver, transformant rapidement l’ensemble en satire politique. Le hic c’est que ce n’est pas Pays et encore moins Guibord s’en-va-t’en guerre, et tout tombe à plat, même cette pénible parodie à peine camouflée de Tout le monde en parle, donnant l’impression de revivre Idole instantanée.
Pourtant, ça commence relativement bien si on oublie le pastiche du Fabuleux destin d’Amélie Poulain en guise d’ouverture avec les notes à l’accordéon. Pendant presque vingt minutes, soit la durée typique d’un épisode à l’époque, on ressent presque du plaisir à retrouver toute l’ambiance de la série. Des personnages aux tiques aux références, en passant par des endroits et des répliques, y a pas à dire, tout nous revient sagement en tête, même les magnifiques compositions de FM le Sieur.
Mieux la distribution assure un excellent travail à rejouer avec candeur ces personnages qu’ils n’ont pas habités depuis bien longtemps, comme ils reviennent tous ou presque avec enthousiasme, de Rémy Girard à Claude Laroche en passant par Antoine Bertrand et Hélène Bourgeois Leclerc. On peut même saluer le jeu particulièrement touchant et humain de Louison Danis qu’on voit si peu au petit et au grand écran. Et c’est peut-être ce qui fait le plus mal avec ce long-métrage, ce fait de voir autant d’excellents comédiens donner tout ce qu’ils ont pour une cause qui n’en vaut décidément pas la peine.
Parce qu’au-delà du sujet, de la prémisse et de ce qui s’en suit, le film ne va jamais plus loin et ne prend jamais la peine de devenir intelligent. D’une paresse inouïe, dénué d’humour, on se retrouve avec des revirements tantôt pathétiques tantôt pitoyables et des dialogues qui font pitié ou qui découragent. Pire encore, le tout s’étire, ne sait plus où se diriger et donne diablement l’impression de durer bien plus que le double de son heure et demie.
Pourtant, il y a toutes sortes de façon d’abattre les préjugés, de créer des messages positifs, de réveiller les esprits ou même de jongler avec les mentalités. On a qu’à penser à l’hilarant Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu? pour y trouver un exemple flagrant et se désoler que de notre côté on doive se contenter de quelque chose d’aussi navrant.
Votez Bougon est donc une idée ratée et un très mauvais moment passé pourtant en bonne compagnie. De ruiner autant Patrice Coquereau, Gaston Lepage que Louise Bombardier, en plus des autres comédiens nommés plus tôt, est un plus grand scandale que tous ceux fictifs que le film essaie de nous faire avaler, et ce, jusqu’à sa résolution encore plus ridicule que tout le reste. Vaut mieux alors oublier pour de notre côté mieux avancer.
4/10
Votez Bougon prend l’affiche en salles ce vendredi 16 décembre.