Cinéaste de la défaite et de la condamnation, Andrew Dominik continue de surprendre en imposant son regard unique dans son observation de l’univers singulier de Nick Cave. La création de son plus récent album est ainsi immortalisée dans un documentaire aussi magnifique que bouleversant. Une chance unique de l’attraper sur grand écran alors que le Cinéma du Parc le ramène exclusivement pour une semaine.
En très peu de films, le cinéaste néo-zélandais Andrew Dominik aura prouvé un sens unique de la mise en scène, en s’imposant comme un esthète singulier, fasciné autant par la beauté du monde que par les recoins du désespoir. Avec une façon subtile de s’immiscer dans l’intimité des autres et de développer la profondeur psychologique de par l’ambiance plutôt que par les mots. Il continue ici sa collaboration avec Nick Cave et Warren Ellis qui lui ont permis de créer l’une des plus belles trames sonores du 21e siècle avec celle pour l’excellent The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford, en les utilisant cette fois comme sujet.
Dans un mélange d’entrevues, de création et de performances, grâce un habile mélange de deux dimensions et de trois dimensions, on découvre le personnage qu’est Nick Cave dans toute son intimité et sa vulnérabilité, la genèse de son merveilleux album qu’est Skeleton Tree découlant d’une tragédie inconcevable.
Qu’on ne se méprenne pas. On ne veut pas donner dans le vidéoclip ni même imager les chansons déjà très fortes dans leur symbolisme et leurs significations. On laisse alors toute la place aux artistes et c’est dans la sobriété d’un noir et blanc qu’on pousse plus loin l’hypnotisme et l’enchantement, la beauté des images rehaussée par de judicieux éclairages et d’ambitieuses prises de vue. Ainsi, les pièces déjà sublimes telles que Magneto et I Need You, restent toujours aussi remarquables aidé toutefois de l’artiste en chair et en os sous nos yeux, de ces gros plans sur Cave, visiblement très touché par le côté très personnel de ses nouvelles pièces.
Il y aussi ces bribes de révélations, ces réflexions d’une grande poésie, mais aussi d’une grande noirceur sur l’intérieur du musicien, du chanteur, du compositeur, mais aussi de l’homme, de celui qu’il a jadis été, celui qu’il est devenu et celui qui perdure, si ce dernier est encore présent.
Particulièrement sombre, l’œuvre peut ainsi paraître plutôt déprimante, la mélancolie l’emportant la plupart du temps. Néanmoins, Dominik a ici créé une véritable œuvre d’art. Le genre de long-métrage qui aurait certainement sa place dans un musée, à être projeté en boucle, histoire d’y découvrir toujours plus de beauté et de subtilité à chaque écoute, trouvant chaque chanson toujours plus belle à chaque nouveau détour.
One More Time with Feeling est une œuvre brillante, à l’image de son sujet. D’une beauté immense et d’une humanité qui n’attend qu’à être savourée dans tout son sens du mystère et de l’inconnu.
8/10
One More Time with Feeling est en rappel en version 3D tous les soirs à 21 h au Cinéma du Parc, du 2 au 8 décembre.