Bien que le président américain Barack Obama et le premier ministre canadien Pierre Elliott Trudeau soient sortis ennoblis de leur visite à Cuba, la grandeur du commandant de la Révolution cubaine, Fidel Castro est d’avoir dit « non » à l’appropriation du continent par les États-Unis.
« De Montevideo à Buenos Aires, de Buenos Aires à Lima, de Lima à Mexico, de Mexico à Windsor, de Windsor à Montréal. Cinq jours d’attente à Montréal, la ville bilingue, où on lit « la belle province » sur les plaques d’automobiles et « propriété privée » sur les panneaux sur le bord des lacs et des forêts. Après avoir traversé l’Atlantique, à l’aéroport d’Orly à Paris, les jeunes femmes annonçaient le départ de l’avion comme si elles étaient en train de faire l’amour, de là à Madrid. Et de Madrid, finalement, à La Havane », tel est l’itinéraire suivi par le journaliste Eduardo Galeano en 1964 pour se rendre à Cuba, à partir de l’Uruguay.
À ce moment de l’histoire, José « Pepe » Mujica est devenu un dirigeant de la guérilla des Tupamaros aux côtés des anarchistes et des activistes sociaux dans le petit pays du Rio de la Plata. Quatre décennies plus tard, il devient président de l’Uruguay de 2010 à 2015. Ce sont deux ex-guérilleros ayant mené des luttes parallèles contre les mêmes injustices qui se sont rencontrés le 30 janvier 2016 dans la capitale cubaine pour discuter de l’épidémie du virus Zika menaçant la région d’Amérique latine, même si les deux pays n’ont pas enregistré de cas en leur sol.
À La Havane, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et le gouvernement colombien, ainsi que les observateurs internationaux, ont négocié de 2010 à 2016 les accords de paix au sujet d’un conflit de 50 ans issue de l’enjeu latino-américain de la redistribution des terres. « La guérilla peut créer la révolution, pas seulement les mouvements sociaux », ont retenue les étudiants colombiens de leur séjour à Cuba après la révolution de 1959, a affirmé le sociologue siégeant à la table des négociations, Alfredo Molano Bravo lors d’une conférence le 5 mai à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Un séjour étudiant au moment où les autorités cubaines ont mis de l’avant la réforme agraire à l’échelle continentale.
Au Nicaragua, le président Daniel Ortega, proche de Fidel Castro, est confronté aux critiques de ses dirigeants, ministres et députés des années 1980 lui reprochant d’instrumentaliser le parti sandiniste au service de sa propre personne, rapporte le Monde diplomatique de septembre 2016. Ce « caudillisme » pour conquérir la présidence à vie n’est pas sans rappeler la gouvernance d’Hugo Chavez, et celle de Fidel Castro. Avec l’idée d’échanger « des médecins contre du pétrole » du Venezuela, le dirigeant cubain a pris part pendant la dernière décennie au mouvement des nouvelles gauches en Amérique latine incluant Lula da Silva au Brésil et Evo Morales en Bolivie, en opposition au modèle économique néolibéral.
À l’instar de Cuba, le Nicaragua a octroyé aux investisseurs étrangers de multiples concessions pour des projets de développement miniers, énergétiques et touristiques, dont le creusement du canal interocéanique, par l’entreprise chinoise HKND afin de laisser passer de grands paquebots avec une capacité de 550 000 tonnes de marchandise par an. De leur côté, les autorités cubaines et la China Communications Company ont aménagé le port de Santiago de Cuba pour accueillir ces grands paquebots, estimant être en mesure de recevoir 565 000 tonnes de marchandise par an. Ainsi, l’ouverture de l’île socialiste aux États-Unis s’est doublée de l’élaboration d’un méga projet d’importations et d’exportations avec la Chine.
À la suite de l’explosion le 4 mars 1960 d’un navire remplit de munitions dans le port de La Havane faisant plusieurs morts, l’autre commandant de la révolution cubaine, Ernesto Guevara, est monté sur la tribune. C’est à ce moment que le photographe officiel de Fidel Castro, Alberto Korda a capté l’expression sévère du « Che ». L’image célèbre immortalisant le médecin argentin se retrouve dans plusieurs murales de l’île socialiste. Ce regard porté vers l’horizon illustre la lutte contre l’« impérialisme » à travers le monde.
En bon catholique, Fidel Castro doit être assis sur un nuage en train de converser avec tous ses « compañeros ». Seule la vieillesse a eu raison de sa liberté, ses ennemis n’ont pas eu sa peau.
Un commentaire
Avec sa mort, c’est une page de l’histoire de la guerre froide qui vient de se tourner. Je conserverai un bon souvenir de ce dictateur parce qu’il osait tenir tête aux États-Unis. Je n’oublierai pas cependant la frousse causée par la crise des missiles à Cuba et aussi la répression sur ses dissidents. Quelle déception pour les autorités américaines lorsqu’il avait vidé ses prisons et ses hôpitaux psychiatriques pour permettre à de mauvais éléments d’aller se réfugier, par milliers, en territoire américain : une vraie partie d’échecs. Vous avez oublié de noter l’envoi de dizaines de milliers de soldats en Afrique australe pour lutter contre les troupes de l’Afrique du Sud (apartheid). Je crois que ces combats avaient lieu en Angola. Probablement bien intentionné, ce chef d’État n’aura jamais été un démocrate inspiré par le respect des Droits de l’Homme.