Chloé Ouellet-Payeur
Les fans de la compagnie Virginie Brunelle attendaient avec impatience À la douleur que j’ai, sa plus récente création chorégraphique. Une série de teasers, dévoilés un à un sur la page Facebook de la compagnie pour nous faire languir depuis plus d’un mois, a été créée en collaboration avec le vidéaste Robin P. Gould.
Simples et efficaces, ces capsules vidéo nous font entrer doucement dans le monde singulier qu’est celui de Virginie Brunelle. Poétique, triste, enragé, beau, vibrant et contrasté, son travail est souvent tragique et cynique. Parfois en duos, parfois regroupés en portrait de famille, les six interprètes apparaissent dans ces courtes vidéos qui nous donnent un avant-goût de l’œuvre scénique. On y voit Isabelle Arcand, Sophie Breton, Claudine Hébert, Chi Long, Milan Panet-Gigon et Peter Trosztmer.
Dans le programme, on peut lire que la chorégraphe s’intéresse au souvenir, à la nostalgie, un thème qui est tangible tout au long du spectacle. Mettant en scène le moment de la création d’une photo de famille, on nous dévoile les dessous de cet instant qui se veut si parfait en le faisant durer jusqu’à ce qu’il se désagrège. Des interprètes s’échappent du groupe, sortent du cadre, nous laissant croire que l’on ressasse alors d’anciennes histoires déchirantes. Avec À la douleur que j’ai, la chorégraphe désire montrer « une tristesse qui s’immisce dans les pensées et nous rappelle notre manque de l’autre ».
Avec cette nouvelle création, la spécificité du vocabulaire de Virginie Brunelle se réaffirme. Particulièrement chez les interprètes Isabelle Arcand et Claudine Hébert, on apprécie l’épurement de certains éléments gestuels rappelant des souvenirs de Foutrement, pièce créée en 2010 dans laquelle les deux femmes dansaient auprès de Simon-Xavier Lefebvre. Ayant travaillé avec Virginie Brunelle depuis ses débuts, ces deux danseuses arrivent à nous livrer des variations des mêmes postures, dans une plus grande simplicité et avec un raffinement remarquable. On voit à plusieurs reprises de longs bras étirés vers le ciel, au-dessus d’une tête qui s’abandonne vers le bas, et surmontés de délicates mains faibles et tremblantes. Pour ceux qui connaissent le travail de Virginie Brunelle, il s’agit d’une image que l’on reconnaît. Rappelant le répertoire chorégraphique de la compagnie, cette nouvelle œuvre propose un langage corporel qui témoigne d’un profond déchirement, d’une douleur qui ne disparaît jamais malgré le passage du temps.
Parfois étranges ou évocatrices d’une grande détresse, les contradictions physiques présentes dans ce langage chorégraphique créent des tensions entre les interprètes et dans les corps eux-mêmes. Tangibles et riches, ces tensions nous laissent imaginer la complexité des relations qui nous sont présentées. Des duos torturés se créent, d’où émergent parfois des portés surprenants, témoignant du grand savoir-faire technique des interprètes. Le travail de partenaire virtuose et surprenant est un aspect que l’on reconnaît dans tout le travail chorégraphique de Virginie Brunelle.
Maintes fois acclamée par la critique, cette compagnie célèbre cette année son septième anniversaire. En partenariat avec l’Agora de la danse, le spectacle est présenté à l’Usine C du 23 au 26 novembre.