À l’occasion de reconcevoir la présentation du musée sur le thème de l’engagement lors du colloque international Communicating the Museum (CTM) du 15 au 18 novembre dans la ville de Québec, force est de constater que l’approche humaniste n’a pas déserté le secteur des communications des institutions.
À bord du traversier Québec-Lévis, la falaise bloque notre vue, les architectures se logent peu à peu dans notre champ de vision jusqu’à ce que la ville prenne place au centre du cadre, à mesure que le bateau s’éloigne. La terrasse Dufferin nivelle le mur en deux étages. Le château emblématique et les gratte-ciels allongent la pointe de ce roc qui a jadis bravé la flotte anglaise. La composition expose un artéfact à grande échelle, une capitale et une galerie à ciel ouvert.
Mettre l’institution muséale en perspective signifie prendre du recul sur cet environnement de travail qualifié de « conservateur » par le directeur artistique de Plus and Greater Than des États-Unis, Daniel Meyer afin d’actualiser l’engagement civique. « Sortez de votre institution et marchez dans les rues à l’entour », a conseillé sa collègue, Traci Sym. Le duo a tenu à souligner ce rôle social lors de leur atelier au Monastère des Augustines, reconverti en musée.
Attentes des visiteurs, nouvelles technologies, éducation et financement : tous les participants au colloque partagent les mêmes préoccupations, mais leurs situations diffèrent. À la suite de l’élection présidentielle, les musées de Washington doivent trouver une façon d’intégrer les Américains qui se sentent exclus. Alors que l’architecture du Musée Guggenheim de New York conçu par le célèbre Frank Lloyd Wright attire une foule de visiteurs qui ne s’intéressent pas au contenu exposé à l’intérieur.
Civilisation autochtone
Avec l’objectif de monter une seconde exposition sur les autochtones, le Musée de la civilisation à Québec a établi un dialogue avec les communautés. Cette volonté d’aller vers l’autre exige la prise en compte d’un rapport inégale entre deux peuples. La coordinatrice du projet, Caroline Lantagne a expliqué lors d’un atelier les différentes étapes de cette approche participative.
Un comité collaboratif composé des différentes sections du musée a été mis sur pied afin de croiser deux expertises: la science traditionnelle et le savoir basé sur la transmission orale. Avec l’aide d’un organisme autochtone, l’équipe a fait des visites sur le terrain de 4 à 6 jours et a amassé 5000 pages de contenu brut. Les chercheurs ont exposé leurs résultats sur les murs afin d’obtenir l’approbation des membres des communautés, afin que leurs outils de communication respectent l’iconographie autochtone.
De retour au musée, le comité collaboratif a fait appel au metteur en scène autochtone Yves Sioui Durand pour trouver le fil conducteur de l’exposition. La forme carrée de la salle a été rompue par des écrans. L’entrée de la salle d’exposition a été changée pour que les visiteurs entrent et sortent par le même endroit comme dans un tipi. Le musée a offert trois bourses pour la création d’œuvres introduisant la dimension de la spiritualité, qui échappe à la science traditionnelle, note Caroline Lantagne.
L’approche participative développée par le musée d’État en collaboration avec l’organisme autochtone La Boîte Rouge vif peut s’avérer être une solution à un problème qui perdure depuis la colonisation de l’Amérique. Pendant la courte durée du colloque, la projection du film Of the North (2015 ) de Dominic Gagnon aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM) et la conclusion de l’enquête sur les agressions alléguées à la ville de Val d’Or, ont semé la controverse au Québec à l’échelle nationale. Le dialogue à des fins éducatives pourrait devenir une clé diplomatique.
Chuter vers l’avant
Le Statens Museum for Kunst (SMK), la galerie nationale du Danemark a été fondée en 1896, sa collection date de 1521, et l’institution compte 260 000 œuvres aujourd’hui. Son architecture massive s’inscrit parmi d’autres issues de la même époque dans la capitale Copenhague. « Ça peut ne pas vous sembler beaucoup, mais pour un petit pays comme le Danemark c’est beaucoup », répétait la jeune productrice numérique, Rine Rodin lors de l’atelier. La conférencière relativisait ses données chiffrées avec raison, le contexte scandinave social-démocratique nous sépare de leur culture.
« Failing forward », a-t-elle lancé pour briser la glace. Tous les premiers vendredis du mois, le SMK organise des soirées festives thématiques semblables aux Nocturnes du Musée d’art contemporain de Montréal (MAC). À cela, s’ajoute l’initiative absurde d’offrir aux visiteurs un audioguide ludique. L’artiste qui a conçu la trame sonore donne des ordres au visiteur, à la manière du jeu « Jean dit ».
Avec l’intention de « provoquer un dialogue », le SMK offre le téléchargement gratuit des photographies d’œuvres d’art de la collection à quiconque dans le monde. Sept sculptures choisit par le curateur du musée reproduit en réalité augmentée ont également été mis en ligne afin de développer une application interactive via les téléphones intelligents des visiteurs.
Le SMK a lancé un concours via le média social Instagram afin de publier sur leur site les photographies prises par les citoyens. Rine Rodin a insisté sur l’utilisation du média suscité, Instagram dans ce cas-ci, pour faire la promotion du concours. Une image créée à l’aide du logiciel Photoshop par exemple n’aurait pas autant attiré l’attention.
Futur exposé
« J’ai rencontré 30, 40, 50 journalistes pour vendre l’idée. Ils devaient venir sur place pour bien comprendre le projet », a affirmé le secrétaire général de la Fondation Roberto Marinho au Brésil, Hugo Barreto qui s’était levé pour se rapprocher de nous pendant la période de questions. « Au commencent, nous leur avions envoyé des invitations, mais qu’est-ce qu’ils ont fait avec… ? », nous demande-t-il en mimant l’action de chiffonner une feuille de papier et de la laisser tomber par terre.
À la base le projet présenté à l’atelier qui avait lieu à la Coopérative Méduse – VU photo consiste à transformer une partie de la mégalopole de Rio de Janeiro située près d’un quartier pauvre et stable de descendants d’esclaves noirs. Le retrait d’un tronçon d’autoroute de la zone a fait place à l’aménagement de la place publique Maua Square. De chaque côté de la place, l’installation d’une plaque de béton sur le toit de deux immeubles dont la forme ondulée rappelle la dénivellation de la montagne de même que le mouvement de la mer a été balancée par la construction sur un quai laissé à l’abandon du Musée de demain.
Le thème particulier de cette institution s’inscrit dans la tradition muséologique brésilienne aux côtés de l’approche sociologique du Musée du soccer et du Musée de l’image et du son à la plage de Copacabana dont l’ouverture est prévue pour 2018. La mission du Musée de demain est de poser les questions existentielles à savoir vers quoi s’oriente la civilisation, loin de l’héritage colonial portugais. Ce carrefour avec ses propositions immersives tient pour acquis que les visiteurs, dont la moitié provient de quartiers pauvres, détiennent le savoir.
Centre urbain
Veiller à desservir les cinq arrondissements de l’agglomération et renforcer les liens avec la communauté artistique locale, voilà deux orientations qui recentre le Museum of Modern Art (MoMA) au cœur de la ville de New York. Alors qu’à Montréal au Musée des Beaux-Arts (MBAM), les appels aux manifestations publiques créent un engouement pour l’institution dont la fréquentation a augmenté de 300 % en cinq ans.
La directrice de la Fondation, Danielle Champagne a donné en exemple la projection des couleurs bleu blanc rouge sur la façade du MBAM par solidarité aux victimes de la fusillade à la salle de spectacle Bataclan de Paris.
« Si je fais ça, je reçois une foule de courriels de plaintes disant : vous faites ça avec la France, mais pourquoi pas l’Afrique ? », a répliqué la représentante du Musée universitaire d’art contemporain (MUAC) de l’ Universidad Nacional Autónoma de México (UNAM).