Avec le film Homo sapiens (2016) projeté le 19 novembre aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), le cinéaste autrichien Nikolaus Geyrhalter nous laisse méditer sur une succession d’images d’objets façonnés, de structures bâties et de scènes cristallisées dans la temporalité humaine en proie aux éléments de la nature.
Vers 2000 avant J.-C., les nomades des plaines du sud de la Russie ont entamé une migration cherchant de nouveaux pâturages pour leurs troupeaux. Arrivés à la vallée de l’Indus, à l’ouest de l’Inde, ils sont tombés sur les vestiges des grandes cités de Mohenjo Daro et de Harappa, écrit le professeur en science des religions à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Mathieu Boisvert.
Le bassin entouré de petites cellules, les sceaux en terre cuite représentant un personnage à trois cornes assis les jambes croisées, le symbole du trident, ainsi que le silo à grain placé en bordure du bassin et plusieurs statuettes représentant une femme aux formes exagérées suggérant un culte à la déesse mère ont conditionné le mode de vie des nomades au point de créer une nouvelle structure sociale à l’échelle du sous-continent indien.
Bien que l’identification des lieux de tournage du film de Nikolaus Geyrhalter soit presque impossible, la spécificité de la culture indienne ne semble pas faire partie des destinations du cinéaste. Les observateurs aguerris peuvent deviner les sites du mont Buzludzha en Bulgarie, de Tchernobyl en Ukraine et du territoire japonais. Cependant, l’objectif de la projection consiste davantage à scruter du regard la trace laissée par l’humanité.
Pendant 94 minutes, le spectateur contemple les multiples formes que prend la trace de l’humain détériorée par l’eau, le vent et la lumière. Assister à cet état présent de la matière nous laisse imaginer le contexte antérieur qui a introduit la forme en question, et au même moment, nous laisse visualiser sa couverture par l’environnement jusqu’à sa disparition. L’artéfact constitue une caisse de résonnance à l’expression de la nature, en somme.
Au-delà du sens de la vision, la raison de l’observateur cherche à quantifier l’empreinte du genre humain. Les bateaux de pêcheurs abandonnés dans un champ incitent à chercher la rive ou le cours d’eau à l’intérieur du cadre pour mesurer la dérive ou l’assèchement. Puis, on se rabat sur le volume de la verdure afin de jauger une explication. Dans une autre scène, un circuit de rail d’une montagne russe s’enfonce dans le sable se faisant balayer par les vagues. Le mouvement naturel engloutissant la structure se compare à celui du manège lui donnant une signification.
Le film se conclut par une gradation sublime. Sur fond de montagne, une étendue de sable ombragée s’éclaire soudainement altérant – du point de vue optique – la distance vis-à-vis du sommet à l’horizon. Une tempête de sable recouvre un bidon et un nouveau développement résidentiel abandonné. Le sable devient neige, le froid fige un monument et la tempête recouvre l’écran de cinéma du blanc au gris, et du gris au noir.