Mathilde Perallat
Jeune compagnie montréalaise créée en 2012 par Emmanuelle Lê Phan, canadienne et Elon Höglund, suédois, Tentacle Tribe présente sa nouvelle création dans le cadre de Danse Danse à la Place des Arts.
Issus des mouvements artistiques urbains, enfants du hip-hop, les deux danseurs ont souhaité, pour leur troisième création, collaborer avec un street artist. L’élu, Gene Pendon, a à son actif la réalisation de plusieurs murales à Montréal. Il créé tout l’univers scénographique de la pièce grâce à des projections avec lesquelles les danseurs interagissent tout au long du spectacle. Gestuelle et stop motion projetée interrogent la notion de fractales, notion à la base de l’inspiration du spectacle. La fractale est un principe géométrique qui renvoie à la répétition d’un élément dans plusieurs dimensions. Aussi la question à l’origine de cette création pourrait-elle être : ‘’combien d’images, combien de mouvements, combien de sons, identiques mais sans cesse en mouvement, composent notre univers ?’’
Hybridation de danse hip-hop, capoeira, arts martiaux et danse contemporaine, la recherche chorégraphique de Tentacle Tribe est basée sur la quête d’un flot, d’un mouvement continu et organique du corps dans l’espace. Pour ne pas dire dans la vie. La fluidité du mouvement fait parfois place à des mouvements plus saccadés, plus fragmentés. Il y a de la résistance dans le laisser-aller. Il y a des moments où on se laisse porter par les mouvements ininterrompus, comme bercés par une vague vers un état méditatif. Les scènes de duo sont particulièrement réussies grâce à un réel mélange des genres produisant des formes inhabituelles de danse. Un rideau mi-opaque servant d’écran de projection sépare la scène longitudinalement et permet une division de l’espace chorégraphique et une sorte de mise en abîme du propos dansé.
Il apparaît de la pièce quelque chose d’évident à faire se rencontrer les différentes cultures urbaines sur le plateau. Certains passages de projection sur les corps ou encore l’utilisation du rideau séparateur sont des exemples réussis où scénographie et chorégraphie fusionnent pour créer un moment artistique réellement percutant. Dans d’autres cas pourtant la magie n’opère pas et le dispositif paraît quelque peu artificiel. Si la technologie permet aujourd’hui de faire beaucoup de choses innovantes et passionnantes, il est facile de l’utiliser à tout va. On aurait aimé un peu plus de discrétion dans l’utilisation de l’image projetée. La danse des images hypnotiques derrière les interprètes à tendance à nous faire sortir de l’espace intime et poétique où la gestuelle des danseurs nous avait mené. C’est dommage. C’est donc un pari partiellement réussi que ce jeu d’imbrication. On pense à Mourad Merzouki, de toute évidence une grande influence, qui avait su, dans Pixels, faire dialoguer les médias. Un peu plus de précision dans l’intention artistique et du propos aurait certainement servi la pièce. Un besoin de maturité, certainement. Une nouvelle et jeune compagnie qui fera néanmoins entendre parler d’elle à l’avenir.
Fractals of you de Tentacle Tribe
À la Place des Arts
Du 15 au 19 novembre