Après s’être fait les dents (et un nom) avec Sarah préfère la course et la télésérie Féminin/Féminin, voilà que la réalisatrice Chloé Robichaud propose un deuxième long-métrage, simplement intitulé Pays.
Sur les terres de la nation fictive de Besco, voisine de Terre-Neuve, le gouvernement local négocie âprement avec les autorités canadiennes pour favoriser l’exploitation des ressources minières. Alors que d’un côté, Besco veut assurer la protection de l’environnement, mais aussi la relance économique dans un contexte morose, le gouvernement canadien, lui, vise à ménager le plus de marge de manoeuvre possible à son industrie minière.
Dans cette tempête politico-économique, on retrouve trois femmes: d’abord Macha Grenon, en présidente de Besco soumise à des pressions de tous côtés; Emily VanCamp, en médiatrice tentant de faciliter la discussion entre les deux parties; puis Nathalie Doummar, qui joue le rôle de Félixe, jeune politicienne idéaliste qui perdra rapidement ses repères face aux coups durs de la realpolitik.
La bande-annonce du film laissait entrapercevoir une profonde remise en question de la part des trois protagonistes, un maelström d’émotions trop longtemps refoulée sur fond de paysage du bout du monde, là où la vie est dictée par l’horaire des marées et l’incessant ressac des vagues sur la berge.
Pays semble pourtant être coincé entre le désir de provoquer – et présenter – des questionnements existentiels et les obligations liées à ce qui pourrait passer pour un drame politique. Entre les jeux de pouvoir et les jeux de personnalité, l’oeuvre de Chloé Robichaud peine à prendre véritablement son envol.
Certains pourraient y voir une représentation de la réalité: après tout, la place des femmes en politique demeure encore incertaine, même aujourd’hui, et l’on sent bien que la position des trois femmes est fragile. Si, ironiquement, l’un des dangers menaçant la position de Macha Grenon en tant que présidente de Besco est l’enthousiasme de sa ministre des Finances, une femme agressive « comme un homme », Mesdames VanCamp et Doummar sont plutôt condamnées à s’effacer devant les coups de gueule des participants masculins aux négociations.
Le hic, c’est que là où cet état de fait permettrait à nos personnages féminins de vivre de véritables crises et d’offrir aux cinéphiles une progression, une vraie transformation pour en arriver à un résultat post-purgatoire, avec transfiguration à la clé, Chloé Robichaud offre plutôt une série de plans hachurés, précipités, où le non-dit, voire le non-montré prédomine. Comme si ces parties du scénario, pourtant essentielles au développement des personnages, n’étaient pas suffisamment intéressantes pour mériter d’apparaître à l’écran. On ressort donc de Pays avec une étrange impression selon laquelle la réalisatrice a effectué un bien drôle de montage, ou qu’elle a préféré laisser les spectateurs deviner la suite des choses. Et ce ne sont pas les quelques phrases affichées à l’écran, à la fin du film, qui remplaceront adéquatement de véritables développements scénaristiques.
Pays prend l’affiche cette semaine.