La fille inconnue est un dérapage semi-contrôlé pour les frères Dardenne, alors qu’ils continuent de façon encore plus fulgurante leur changement de ton dans cette première incursion à demi-réussie dans le polar.
À une certaine époque, les frères Dardenne faisaient trembler tout le monde sur leur passage tellement leur cinéma s’appropriait tous les lauriers. Désormais, peut-être par habitude, on ressent une certaine lassitude alors qu’on parle décidément moins de leur cinéma. Si cela paraissait injuste pour le splendide chef-d’œuvre qu’était Deux jours une nuit avec une Marion Cotillard plus dévouée que jamais, c’est un peu plus compréhensible pour le malhabile La fille inconnue, n’en déplaise à tous leurs tiques présents, la distribution de prestige et une performance toujours aussi impeccable de la jeune Adèle Haenel.
Après avoir livré leur premier véritable suspense, les voilà de retour avec ce nouveau long-métrage qui semble clairement issu des codes du polar. Et qui dit Dardenne, dit film social et disons que les films blancs apparaissent nombreux dans leurs tentatives de marier questionnements socioculturels et moraux avec leur désir d’avancer une intrigue policière qui captive et tient la route.
Ainsi, la protagoniste décide d’entamer sa propre enquête alors qu’elle se retrouve mêlée malgré elle au meurtre d’une jeune femme noire qui aurait frappé à la porte du cabinet de médecin dont elle a nouvellement pris le contrôle et à laquelle elle a refusé de répondre vu l’heure tardive.
Émotionnellement impliquée malgré ses airs rigides, elle chamboulera tout son entourage en étant convaincu que l’un deux en sait davantage qu’il le laisse croire. C’est de cette façon que les visages familiers se multiplieront (Olivier Gourmet, Fabrizio Rongione et Jérémie Renier pour ne nommer que ceux-là) et qu’on prendra néanmoins plaisir à voir les cinéastes se faire leurs propres clins d’oeil et effleurer des sujets et des perspectives qui ne manquent pas de piquant.
Seulement, sur près de deux heures avec un rythme qui épouse le naturel habituel de leurs films, même si le suspense est majoritairement soutenu, on perdra quelque peu l’intérêt alors qu’on réalisera que la profondeur ne sera pas aussi présente que dans d’autres opus des frères belges. On regrettera aussi la mise en scène davantage dissipée et, surtout, le côté beaucoup trop appuyé des dialogues qui brimeront souvent le naturel pour favoriser l’intrigue, apparaissant ici comme une sale tromperie de la part des Dardenne.
Comme quoi tous les prodiges ont droit à leurs faux pas.
5/10
La fille inconnue est présentée ce lundi soir 7 novembre à 17 h 45 au Cinéma Impérial de Montréal dans le cadre du festival Cinémania. Sa sortie est prévue dans les salles du Québec d’ici la fin de l’année.