Plusieurs films québécois et canadiens ont été à l’honneur durant la 45e édition du Festival du nouveau cinéma. Parmi eux, Stealing Alice, une première immersion de l’artiste Marc Séguin dans la sphère cinématographique, propose un univers à la fois froid, aérien et compassé.
Pour ce film, Marc Séguin, qui est au départ peintre et auteur, porte plusieurs chapeaux : il a écrit le scénario, il en est le producteur, le réalisateur, mais également le principal bailleur de fonds. Cette première œuvre filmée porte la trace de l’artiste : le spectateur y verra une touche résolument esthétique, l’œil artistique de Séguin et son désir de présenter une œuvre belle et léchée.
En produisant Stealing Alice, Séguin a joué le jeu du réalisateur avec une certaine liberté et un regard expérimental. Son premier film ne ressemble en rien à ce qu’on connaît du cinéma québécois et cette histoire se raconte un peu à la façon dont il le fait dans ses tableaux et ses romans.
Stealing Alice raconte un court pan de la vie d’Alice, une « marchande » d’art en quête d’affranchissement qui vole des toiles pour en faire cadeau à des gens qui sauront en apprécier la sensibilité. Le personnage principal, interprété par Fanny Mallette, est une femme mi-inuite, mi-québécoise, qui cherche ses racines et qui puise son inspiration dans la fuite, la vengeance et la beauté de l’art. Tout en contradiction, le personnage d’Alice porte en elle à la fois un caractère brut et un certain côté romantique. Habitée par une grande détermination, à défaut d’être vraiment heureuse, Alice désire venger l’héritage blanc imposé à sa mère inuite et retrouver un homme dont on la sait amoureuse.
Paysages et langages multiples
Filmé un peu partout entre le Grand Nord du Québec, New York, Venise, le Vatican, Montréal et d’autres villes québécoises, Stealing Alice fait preuve d’une grande intensité tout en apportant de nombreuses scènes contemplatives et visuellement apaisantes. La cadence tantôt effrénée de l’histoire est ponctuée de nombreuses prises de vue du haut d’un hélicoptère qui balaie les rivages et les paysages naturels isolés.
Malgré le charme indéniable du visuel de Stealing Alice, il est difficile de ressortir de la salle totalement conquis. La distribution inégale et les dialogues par moments fortement ampoulés confèrent une certaine lourdeur à cette œuvre qui navigue entre le calme et le chaos. La beauté de Stealing Alice réside surtout dans l’absence de dialogue de certaines scènes.
La plupart des séquences sont jouées en anglais par des acteurs francophones qui parlent par moments le français, mais aussi l’italien et l’inuktitut. Dans certains cas, il semble assez flagrant qu’il ne s’agit pas des langues maternelles des interprètes, ce qui crée une cassure dans le rythme des échanges déjà assez peu naturels.
Si Fanny Mallette campe avec brio le rôle d’Alice, pratiquement tous les autres acteurs sonnent faux et paraissent déclamer leurs textes de manière théâtrale, voire artificielle (à cet égard, Denys Arcand, qui campe le père d’Alice, en est insupportable).
On aimerait croire à cette histoire surréelle, mais on n’y parvient pas. Heureusement qu’il y a le visuel et les compositions musicales qui les accompagnent. Et heureusement qu’il y a Fanny Mallette. Le film est en grande partie porté par l’énergie de Mallette qui, à l’instar des œuvres qu’Alice pille dans les grandes collections, est forte, mélancolique, brutale et belle.
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Stealing Alice, Québec, Canada, 90 minutes, 2016, v.o. en anglais, français, inuktitut et italien avec s.t. français.
Pour connaître les dates des prochains visionnements : http://stealingalice.com/