Le correspondant au Moyen-Orient du magazine The Economist, Nicolas Pelham retient de sa lecture de quatre ouvrages récents portant sur la société saoudienne les questions suivantes: ce pays est-il à la source de l’État islamique, et le royaume représente-il la conformité orthodoxe ou la pluralité culturelle? Le correspondant rend compte des témoignages recueillis lors de son dernier voyage dans le New York Review of Books, à paraître le 13 octobre.
De prime abord, le Canada, la France et les États-Unis entretiennent des relations diplomatiques avec l’Arabie Saoudite même si les politiques de ce pays du Moyen-Orient vont à l’encontre des valeurs occidentales. Le ministre canadien des Affaires étrangères, Stéphane Dion a autorisé la livraison de blindés en sol saoudien. Le président François Hollande a remis la Légion d’honneur au prince héritier saoudien Mohammed Ben Nayef, après que son gouvernement soit devenu le premier acheteur d’armement de la France, d’après le Monde diplomatique d’avril 2016. Dans son documentaire Fahrenheit 9 / 11 ( 2004 ), Michael Moore nous montre un montage de poignées de main entre les dirigeants américains et saoudiens suggérant que le prix du baril de pétrole et la vente d’armement déterminent l’économie mondiale.
Au mois de janvier, le correspondant Nicolas Pelham et son rédacteur en chef du magazine The Economist se sont rendus en Arabie Saoudite pour rencontrer le jeune dirigeant de la famille royale Mohammed bin Salman. Au Jour de l’An, le dirigeant a autorisé l’exécution de 47 personnes, dont 43 djihadistes sunnites et 4 Shias. Il s’agit du groupe le plus nombreux exécuté depuis 1979.
Pendant la rencontre avec les journalistes, le jeune prince regardait des reportages sur les exécutions sur un grand écran de télévision. Une habitude qui confirme la caricature que l’on fait de lui sur les médias sociaux : un adolescent qui s’amuse avec des politiques brutales comme s’il s’agissait de jeux vidéo. Lorsque des manifestants iraniens ont pris d’assaut l’ambassade saoudienne à Téhéran, Mohammed bin Salman a tout de suite coupé les relations avec l’Iran.
Dans les salons littéraires saoudiens, les écrivains racontent des histoires de gens emprisonnés pour avoir blasphémé, et torturés. En novembre 2015, le poète d’origine palestinienne élevé en Arabie Saoudite, Ashraf Fayadh a été condamné à mort pour avoir exprimé des doutes au sujet de la religion. « Je suis l’expérimentation de l’enfer sur la planète Terre », a-t-il écrit dans un recueil. Grâce à des manifestations internationales, de lectures publiques de ses poèmes, les juges l’ont condamné à 8 ans de prison et à 800 coups de canne. « Pour la première fois dans ma vie, j’ai vraiment peur », a confié un éditeur de nouvelles au correspondant Nicolas Pelham.
Si le royaume ne tolère pas les doutes des écrivains, il tente de faire une place aux autres religions en son sein. L’Arabie Saoudite abrite probablement la communauté chrétienne la plus importante du Moyen-Orient. « Il y a une génération, nous faisions comme si la fête de Noël n’existait pas », a affirmé un homme d’affaires qui héberge des domestiques chrétiens en provenance des Philippines. « Aujourd’hui, nous leur donnons des cadeaux et organisons une fête pour les employés », poursuit-il.
À Riad, un prince saoudien peu influent qui a étudié l’hébreu à Boston enseigne les études juives à l’université. Cette ville universitaire avec ses enseignes non arabes et sa bouffe de rue rappelle davantage les zones urbaines d’Afghanistan qu’une ville occidentale comme Londres, compare le correspondant.
À Awamiya, capitale de la province faisant office de centre pour le pétrole, les Shias regrettent l’exécution de leur pasteur Nimr al-Nimr. « Après le meurtre de Nimr, nous avons vu l’État islamique et les forces de sécurité ne faire qu’un », a confié un parent du défunt au correspondant. Les Shias constituent 10% de la population saoudienne et presque tous les habitants de la petite ville ont un parent en prison. Pendant plus d’une décennie, le pasteur promouvait l’égalité face à l’élite dominante Wahhabi qui exploite les gisements de pétrole laissant les habitants d’Awamiya et des villages environnants dans la pauvreté. En 2011, le pasteur a entraîné les Shias à prendre part aux manifestations du printemps arabe.
Comme alternative à une économie basée sur le pétrole et sur la vente d’armement, ici, l’organisme Équiterre propose le covoiturage. Deux ou trois personnes de plus dans une voiture réduit les émissions de gaz à effet de serre de 1,8 tonne par année, permet au covoitureur d’économiser en moyenne 2500 $ annuellement et diminue la congestion routière.
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