Quoiqu’on dise pour critiquer la candidate démocrate Hillary Clinton, il y aura toujours quelqu’un pour nous rappeler qu’elle est bien moins pire que le candidat républicain Donald Trump. N’empêche que pendant que le parti démocrate se contredit pour le pouvoir, le citoyen moyen reste captif de l’industrie du crédit, ancrée dans la société américaine bien avant que le candidat grossier pose sa candidature.
Dans le Monde diplomatique de septembre 2016, l’auteur de Listen, Liberal or What Ever Happened to the Party of the People ?, Thomas Frank rapporte ses observations lors de la convention démocrate qui s’est déroulée à Philadelphie du 25 au 28 juillet.
Au Wells Fargo Center, la candidate Hillary Clinton a été encensée sous le thème de la vertu ardente, raide, fière et sans artifice. Les organisateurs envoûtaient le public afin qu’ils se sentent vertueux d’être présents, eux aussi. Cependant, en arrière-scène, l’auteur a noté une série de faits dissonants venant fragiliser cette droiture euphorique.
Les congressistes ont appris par la presse que des réceptions ont été organisées par des entreprises de Wall Street sans être invités. De plus, les organisateurs ont négocié un accord avec Uber permettant à ses véhicules de se garer beaucoup plus près du hall, une entreprise participant à la précarisation du travail.
La plupart des problèmes qui préoccupent les militants du parti, que les orateurs successifs s’emploient à dénoncer pendant la convention, résultent des politiques de l’ex-président démocrate Bill Clinton.
« Faites tout le bien que vous pouvez, pour autant de gens que vous pouvez, de toutes les manières que vous pouvez, aussi longtemps que vous pouvez », a énoncé Hillary Clinton complètement habillée en blanc, rapporte l’auteur envoyé spécial.
Pourtant, quelques jours auparavant, plusieurs courriels piratés avaient confirmé que le Comité national démocrate, théoriquement neutre pendant les primaires, s’est employé à saboter la candidature du candidat Bernie Sanders.
Crédit
Heureusement que le parti démocrate a dans ses rangs Elizabeth Warren, figure de l’aile gauche qui a passé sa carrière à dénoncer les abus de l’industrie du crédit, à l’origine de la création du Bureau de protection financière des consommateurs suite à la crise de 2010. Dans le Monde diplomatique de septembre 2015, le journaliste Maxime Robin explique comment le dossier de crédit aux États-Unis conditionne la vie entière d’un citoyen américain.
Au départ réservé aux banques pour des prêts immobiliers, le dossier de crédit peut désormais être consulté par un commerce, une assurance, un propriétaire avant location, un employeur potentiel et par les sites de rencontres en ligne. La cote est affectée dès qu’une facture est en retard, si elles s’accumulent les banques s’arrogent le droit d’augmenter leurs taux d’intérêt.
À la fin des années 1980, la déréglementation des taux d’intérêt bancaires a permis à un grand nombre d’Américains d’accéder aux prêts, mais les banques ont obtenu le droit de fixer les taux d’intérêt dans une opacité presque totale. Ainsi, le taux des faillites personnelles a explosé.
L’endettement des ménages est en expansion constante, de sorte que ne pas être endetté est un signe de mauvaise santé financière. Chaque foyer dispose en moyenne de huit cartes de crédit et d’une marge de crédit de 15 000$.
Endettement
Un imprévu peut faire dérailler les paiements au point d’enliser une famille dans une situation intenable. Alors qu’elle était enceinte de leur deuxième garçon, les médecins ont diagnostiqué un cancer au mari de Mme Claire Shrout. Son mari a dû abandonner son travail.
« Si j’étais une mère en Suède, notre histoire serait bien différente, et j’aurais eu plus de dix jours de congé de maternité. Je ne veux pas faire porter le chapeau à la société ou aux organismes de crédit; j’ai ma part de responsabilité. Mais aux États-Unis, les jeunes sont davantage exposés à la dette que partout ailleurs. Ils sont livrés à eux-mêmes. C’est la porte ouverte à des situations dramatiques. Le système entier peut devenir prédateur », confie-t-elle.
Les foyers américains ne contractent pas de dettes pour s’offrir une piscine ou un 4 X 4, mais pour s’assurer l’essentiel : logement, santé, voiture, éducation et assurances, note le journaliste Maxime Robin.
Bonté
La dette publique des États-Unis est estimée à 1 153 000 000 000 $ et augmente de 4 milliards par jour, d’après le compteur Planétoscope. Le gouvernement américain a dépensé 596 milliards en armement en 2015, presque le triple de la Chine et neuf fois plus que la Russie, d’après Courrier international. Une équation simple pour le citoyen moyen qui vit selon un budget.
La secrétaire d’État, Hillary Clinton a vu les choses autrement en 2011 : « Sarkozy n’a cessé de me parler d’une intervention militaire. C’est un personnage dynamique, toujours empli d’une énergie exubérante, qui adore être au centre de l’action. Il était aussi influencé par l’intellectuel Bernard-Henri Lévy. Tous deux étaient sincèrement émus par la détresse du peuple libyen, brutalisé par un dictateur », rapporte John R. MacArthur dans le Monde diplomatique d’août 2016.
Séduite par le duo français, Hillary Clinton n’a pas tenu compte du sort de la nouvelle employée d’un Dunkin’ Donuts au New Jersey. Décédée asphyxiée dans sa voiture en 2014, à l’âge de 32 ans, Mme Maria Fernandes cumulait trois emplois le jour, la nuit et les fins de semaine pour assurer l’éducation de sa fille. Elle gagnait le salaire minimum, soit 8,25 $ de l’heure, et payait son logement 550 $ par mois. La plupart du temps, elle se reposait dans sa voiture en gardant un bidon d’essence sur le siège arrière, bidon qui s’est renversé pendant son sommeil, rapporte le journaliste Maxime Robin.
Il n’est pas rare de rencontrer quelqu’un qui bénéficiait d’un salaire stable avant la crise et qui occupe désormais deux emplois précaires à temps partiel payés à l’heure. Les frais de santé, d’éducation, de garderie ont explosé, note le journaliste.
« Au fond, on en revient toujours à ce que Donald Trump est incapable de comprendre: l’Amérique est grande parce que l’Amérique est bonne », conclut Hillary Clinton lors d’un discours à Philadelphie, rapporte l’auteur Thomas Frank.
Dans la foulée du bipartisme, la misogynie de Trump dote Hillary de valeurs féministes.