Mathile Perallat
Maria Pages, grande figure du flamenco contemporain est à la Place des Arts pour trois jours avec son spectacle Yo, Carmen.
Carmen, figure bien connue de Merimée et Bizet de la fin du 19e siècle est le point de départ de la nouvelle création de Maria Pages. Si elle s’inspire du personnage, elle tente pourtant de défaire le mythe de la fameuse bohémienne et de s’éloigner d’une forme de flamenco traditionnel machiste. Pages veut parler de la femme. Yo, Carmen (Moi, Carmen) parle à toutes les femmes, à la Carmen en elles, mais surtout à tout ce qui les habite et à leur libération.
Sur scène, sept danseuses, sept musiciens et deux chanteuses pour accompagner les dix tableaux, explorent toutes les facettes de la femme telle que la chorégraphe se représente la féminité. Dans une lumière très travaillée qui fait apparaître ou disparaître les musiciens au gré des scènes et entrecoupée de récitations de poésie féministe dans plusieurs langues (Atwoods, Yourcenar), la danse espagnole se déploie. Maria Pages toujours au centre, charismatique, entraine ses danseuses. Mises à part la première et la dernière scènes, nous sommes bien loin du Carmen d’origine et c’est tant mieux. Ce répertoire musical trop entendu fait un peu grincer les dents.
Le flamenco a ceci d’extraordinaire qu’il vient chercher des émotions au plus profond de nos entrailles. Son chant est comme une imploration et sa danse une exaltation. Sorte d’incantation. Les voix des deux chanteuses sont libératrices et la musique porte ses femmes dans une énergie qui élève leur pas saccadés bien en dehors le rôle qui leur a été collé. C’est bien l’intention de la danseuse-chorégraphe que de nous offrir une danse plaidoyer pour la femme.
Maria Pages nous propose un flamenco nouveau, ouvert aux autres cultures, musiques et gestuelles et au travers duquel elle nous parle. Elle cherche à nous raconter une histoire. Mais si le spectacle est très construit il n’en reste pas moins qu’il est quelque peu décousu voire frôle le cliché qu’il s’évertue pourtant à dénoncer. À vouloir trop en dire, ne risque-t-on pas de perdre l’essence du propos et de la danse?
Il n’empêche qu’hier soir la salle comble était comblée, justement. Il vous reste ce soir et demain pour vous faire une idée de ce nouveau flamenco.
Yo, Carmen de la Maria Pages Compania
Du 29 septembre au 1er octobre 2016
À la Place des Arts