Il y a longtemps qu’un jeune cinéaste a autant figé l’intérêt de la planète de par sa fougue et son audace certaine. Sauf que celui qui a tout plein de surnoms comme le jeune prodige québécois, vieilli comme tout le monde et, s’il gagne en expérience, disons que Xavier Dolan est encore loin de faire l’unanimité. Son plus récent film, Juste la fin du monde, pousse donc encore les spectateurs aux quatre coins de la salle, tout comme ses personnages dans cet étouffant huis clos (ou presque).
Plus libre que jamais, Xavier Dolan continue de se permettre tout ce qu’il veut et, c’est avec étonnement, après avoir annoncé une sabbatique vite avortée, que non seulement il s’offre un film français tourné dans les champs secrets lavallois camouflé en film québécois (coproduction franco-québécoise pour être plus exact et comme la majorité de ses plus gros films), mais aussi une relecture d’une de ses œuvres récentes, soit Tom à la ferme.
Certes, on pourrait nous accuser de sauter rapidement aux conclusions simplistes, pourtant, également adapté d’une pièce de théâtre, de Jean-Luc Lagarce cette fois, ce film relate la parenthèse éprouvante de chicanes de famille reliées à un retour chez soi et à un deuil imminent. En reprenant ses thèmes fétiches, allant de l’homosexualité aux liens familiaux à couteaux tirés, en plus des aléas de la culture et de la célébrité, on a l’impression de revivre Tom à la ferme, mais avec de meilleurs comédiens. Un peu comme lorsque Sam Raimi avait profité de Evil Dead 2 pour refaire son emblématique premier film en comédie délirante.
Puisque côté distribution, difficile de faire plus fort tellement tout le plus gros, ou presque, de la France est réuni. Avec des coqueluches comme Léa Seydoux et Vincent Cassel, en plus de Gaspard Ulliel et Nathalie Baye avec qui il renoue, disons que Marion Cotillard apparaît décidément comme la cerise d’un sundae des plus luxueux. Sauf que pas question de les pousser dans le glamour. Un peu à la manière des Dardenne qui n’ont pas peur de dénaturer pour mieux sombrer dans le réalisme, Dolan, lui, pousse l’intensité en l’esthétisant, à sa façon.
Ainsi, ça ne prendra pas moins de cinq minutes pour qu’on reconnaisse rapidement le style du cinéaste qui persiste et signe avec ce qui est, déjà, son sixième film. Chansons dépoussiérées, visuel kitsch et abus de ralentis, tout y passe, même les gros plans. Et visuellement, encore chapeau au brillant André Turpin qui sait encore donner beaucoup d’éclat au visuel, apportant énormément à l’ensemble, notamment dans cette manière de filmer les rétines des yeux et les reflets qui s’y camouflent..
Sauf que ce climat étouffant, sur fond de chaleur et de canicule, sans pour autant aller dans les plates-bandes de Spike Lee, joue avec tout le monde. Autant ceux sur pellicule que ceux qui sont devant. C’est volontaire, oui, mais ces prises de tête, dans ce jeu de celui qui gueule le plus fort, n’est décidément pas de tout repos et joue considérablement sur le bien-être du public qui se sent lui aussi à l’étroit. Ça a beau être séparé en actes, avoir ses moments de repos et donner la chance à tous les comédiens de briller ne serait-ce qu’une fois, on finit par s’ennuyer dans ces multiples implosions qui n’éclatent jamais véritablement. Saupoudré d’une immense dose de kitsch et d’un symbolisme qui ne donne toujours pas dans la subtilité (l’intensité d’une scène mise en parallèle avec l’accélération de la vitesse d’une voiture et les rayons lumineux du soleil après la pluie par exemple), le long-métrage finit par s’emparer de la patience et de se contenter du spectacle plutôt que de la profondeur.
Comme quoi il y a assez ici pour être attiré par la proposition, mais malheureusement finalement trop peu pour en remercier l’exécution. Dolan est donc un peu comme le personnage de Antoine, il promet de frapper, il le promet fort et le promet longtemps, mais ne le fait jamais véritablement.
4/10
Juste la fin du monde prend l’affiche en salles simultanément en France et au Québec mercredi le 21 septembre.