La Société des arts technologiques ( SAT ) a présenté Patterns: les murs ont des oreilles (2016) réalisé par Pierre Friquet, diplômé du Film and Television Institute of India (FTII), le 13 septembre dans la Satosphère. Le film immersif suscite un autre type de réceptivité de la part des spectateurs.
Walter se rend à une séance d’hypnose pour enquêter sur la raison pour laquelle il se sent dépossédé de son corps. Son esprit se plonge alors dans un voyage mental pour y détruire les signes obscurs de son passé. Ce que Walter découvre enfin est un secret de famille sous la forme d’un monstre qui se déchaîne dans les canalisations de sa maison ancestrale, décrit-on dans le programme.
Les spectateurs sont invités à s’étendre sur les sacs de sable étendus sur le plancher, sous le dôme complètement fermé. Après une courte présentation de l’expérience transcendante, le public était fébrile d’assister à cette vidéogrammétrie immersive, horrifique et poétique librement adaptée de l’univers de l’écrivain américain de récits fantastiques, d’horreur et de science-fiction, H. P. Lovecraft.
Soudain, le dôme prend la forme du cabinet aux murs blancs d’un hypnotiseur et les spectateurs se transposent dans le personnage étendu à travers nous. Ses yeux se ferment, l’écran concave s’obscurcit. À la hauteur du sol, on se trouve parmi les meubles de la maison familiale en rouge sur fond noir. On assiste à un souvenir d’enfance déstabilisant, puis on avance dans un couloir sans fin.
Le monstre se trouve à être une projection de motifs sombres abstraits qui tapissent le dôme. Ces motifs rappelant des formes organiques visqueuses rehaussés de sons relatifs et d’une musique instrumentale ténébreuse se meuvent par un mouvement kaléidoscopique. De plus, ce mouvement ondule d’une façon organique renvoyant l’impression d’être campé sous une membrane vivante.
La séquence recommence dans la même maison en rouge et noir avec les images d’une danseuse que le réalisateur aurait rencontrée en Inde, pour nous reconduire à cette membrane monstrueuse qui se veut plus sanguine. Et, la séquence recommence jusqu’à l’atteinte d’une transe blanchâtre inattendue.
Cobaye
La génération Y de Montréal et des environs a grandi avec l’évolution du grand écran. D’abord, il y a eu les films sur le Grand Canyon et sur l’extinction des feux de puits de pétrole au Koweït projetés sur l’écran vertigineux du cinéma Imax, ainsi que le ciel étoilé de l’écran courbe étendue au plafond du Planétarium. Ensuite, La Ronde s’est munie d’un manège cinématographique Hydroïde 94 avec bancs animés.
À Paris, la Géode ajoute la forme sphérique à l’écran Imax. Le film sur les fonds marins donne l’impression au spectateur assis dans son siège d’être vraiment sous l’eau.
En complémentarité à l’évolution du grand écran, on a développé la technologie des lunettes 3D. Après nous avoir perdus dans les grands espaces de l’Ouest américain avec Paris, Texas (1984), le cinéaste Wim Wenders a innové en liant le mouvement de la danse contemporaine à la technologie 3D avec le film Pina (2011).
Perspective
La réalisation d’un film immersif dans la Satosphère apporte son lot de complexité technique en relation avec la réceptivité du spectateur. Pendant la période de questions après le film Patterns ( 2016 ), le réalisateur Pierre Friquet a expliqué que sous le dôme la durée du film est plus longue. Le même film qui dure 10 minutes sur un écran doit être étiré à 30 minutes sous le dôme afin de laisser le temps au spectateur de saisir le contenu de l’œuvre.
Si l’adaptation est lente, ce n’est pas parce que ce mode de représentation est nouveau, a affirmé le réalisateur. Pour lui, l’immersion dans le dôme est beaucoup plus prêt de notre perception naturelle que le cadre de la peinture, de la photographie ou du cinéma. En Occident, notre perception a été conditionnée depuis l’époque de la Renaissance.
Auparavant, l’art était représenté par des murales. À la Renaissance, les œuvres sont devenues des marchandises transportables. Avec l’apparition du cadre, la perspective s’est imposée dans la représentation en 2D. Il s’agit d’un point de fuite ou de convergence des éléments dans l’image qui dirige le regard du spectateur, explique-t-il.
La perspective a conduit les réalisateurs de films à utiliser le gros plan pour diriger le regard, une pratique fausse pour Pierre Friquet. À la recherche de la transcendance, il s’appuie sur ses études en Inde, sur le film Le miroir (1975) d’Andrei Tarkovsky et sur la philosophie de Friedrich Nietzsche et de Slavoj Žižek.
Le film immersif est présenté du 13 au 7 octobre.