Le Goethe Institut présentait les 8, 9 et 10 septembre derniers Whateverness Singularities en guise de spectacle d’ouverture de sa saison culturelle automnale. Le concept, issu de l’imaginaire de deux jeunes chorégraphes, Cyril Baldy et Tilman O’Donnell, redéfinit la notion d’art et ouvre avec un regard neuf cette nouvelle saison.
Interprètes et chorégraphes s’interrogeant sur la danse contemporaine, Cyril Baldy et Tilman O’Donnell, tous deux autrefois issus de la Forsythe Company de Francfort, ont su tirer profit d’une courte résidence d’artistes en 2014 à Circuit-Est centre chorégraphique, grâce à un partenariat entre Conseil des arts et des lettres du Québec, le Goethe-Institut et fabrik Potsdam – Internationales Zentrum für Tanz und Bewegungskunst. Forts de leur expérience, ils ont mis au point pour le Goethe Institut une production interdisciplinaire de concert avec d’autres artistes au parcours singulier.
Durant cette soirée de questionnements sur l’art divisée en quatre tableaux, trois des quatre actes sont présentés dans des salles de classe aux murs blancs et ornées d’immenses fenêtres et la quatrième œuvre se déroule dans une petite salle plongée dans le noir.
Quatre manières de remixer l’art
Cyril Baldy et Tilman O’Donnell entrent dans une première salle, affublés de masques au rictus un peu déplaisant et de perruques qui cachent à demi leurs visages. Le sentiment de malaise est accentué par les deux masques de chiens blancs posés sur le sol et un sac rouge posé sur un tableau blanc, représentant sans doute une œuvre d’art abstrait. Les deux artistes exécutent un morceau s’inspirant à la fois du ballet classique et de la danse contemporaine, et cherchant à repousser les limites du possible. Sans aucune trame sonore, ils se déplacent dans la classe, frôlant parfois les spectateurs, tantôt grotesques dans leurs mouvements, tantôt très solennels.
Une seconde salle, un second groupe : il s’agit du trio composé de Hanako Hoshimi-Caines, Adam Kinner et Jacob Wren qui discutent de différents événements sous la thématique « faut-il mordre la main qui nous nourrit », portant un regard socio-artistique sur la question. Installés devant des instruments de musique (un petit piano ancien, une basse électrique et des percussions), les trois artistes entrecoupent chaque bribe de discussion en jouant un court morceau musical, reprenant tour à tour les mêmes paroles chantées et exécutant des notes de musique atteignant presque la cacophonie.
Dans la troisième salle de classe, les Suédoises Lydia Elisabeth Östberg Diakité et Karin Bergman amorcent leur séance en versant des jus colorés dans deux séries de verres translucides. Seul le son du liquide transvidé d’un verre à l’autre brise le silence quasi religieux de la performance. La seconde partie de leur spectacle se termine avec une chorégraphie qui évoque celle de Cyril Baldy et Tilman O’Donnell, auprès de qui elles étudient.
Une seule performance n’a pas lieu dans une salle de classe avec vue sur le boulevard Saint-Laurent. Il s’agit de la pièce de Dana Michel, dans une salle de projection, qui se déplace à demi nue sur un chariot à roulettes, dans une transe de gestes et de sons, percutant les chaises de la salle, mue par une puissance quasi animale. Cette nouvelle création de la chorégraphe et artiste performatrice sera également présentée à Berlin au cours de l’automne.
Le parcours parfois tortueux proposé aux spectateurs était étalement ponctué de regards curieux des passants qui se sont arrêtés devant les fenêtres du Goethe Institut pour épier les gestes des artistes. Bref, l’ouverture de la saison culturelle du Goethe Institut s’est faite sur une note surprenante tentant de déconstruire l’art tel que dicté par les canons sociaux, proposant quatre pièces déroutantes.
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Pour voir la programmation complète du Goethe Institut : Calendrier culturel