Télésérie annulée avant d’atteindre son apogée, oeuvre culte aux yeux de bien des amateurs de science-fiction, Firefly est le parfait exemple d’une bonne idée – en fait, d’une excellente idée! – jetée aux poubelles des suites d’une mauvaise décision des dirigeants de télévision. Mais cela ne signifie pas que la série de Joss Whedon est parfaite, loin de là.
Dans un futur lointain, l’humanité quitte la Terre pour un nouveau système solaire. Les planètes centrales, riches en ressources et en technologies, forment l’Alliance. Les planètes et lunes de la bordure, elles, verront leur révolte être réprimée dans le sang lors d’un violent conflit. Six ans plus tard, le capitaine Malcom Reynolds, ancien soldat indépendantiste, parcourt l’immensité stellaire en effectuant de petits boulots, flirtant avec l’illégalité quand il ne tombe pas carrément dans le banditisme avec son équipage.
Savant mélange de western et de science-fiction, Firefly combine les six-coups et les vieilles carabines à des vaisseaux spatiaux et des superpouvoirs. Car l’arc narratif central de la série, si l’on peut appeler 14 épisodes une série, c’est cette évasion de River Tam en compagnie de son frère médecin Simon. River, jeune femme aux pouvoirs cérébraux extraordinaires, a été tirée des griffes de l’Alliance, qui l’avait enfermée dans un centre secret où elle a été transformée en machine à tuer psychique. Depuis, de mystérieux hommes portant des gants bleus sont à sa poursuite et, par extension, à la poursuite du vaisseau Serenity et de son équipage.
En plus de cette chasse à l’homme et des questions qui en découlent (Qui sont ces sinistres individus? Quelle est l’étendue des pouvoirs de River?), les membres de l’équipage sont eux aussi en quête de réponses personnelles. Le prêcheur, Book, n’est pas ce qu’il affirme être. Simon Tam (Sean Maher) et la mécano, Kaylee (Jewel Staite), n’osent pas s’avouer leurs sentiments l’un pour l’autre. Idem pour Reynolds (Nathan Fillion) et Inara (Morena Baccarin), un mélange entre une geisha et une prostituée de luxe. Quant au pilote, Wash (Alan Tudyk) et sa femme Zoë (Gina Torres), leur mariage est fréquemment remis en question par les dangers auxquels s’exposent cette dernière, ancienne compagnon d’armes de Reynolds. Sans oublier River (Summer Glau), dont les interventions ponctuent les épisodes de moments drôles ou de surprises désagréables.
Quatorze ans après sa sortie, Firefly n’est plus audacieuse, si tant est qu’elle l’ait déjà été. Après tout, les années 1990 et le début des années 2000 pullulaient de séries de science-fiction où des groupes bigarrés s’embarquaient dans des aventures parfois abracadabrantes les emmenant un peu partout dans l’univers. Si les différentes itérations de Star Trek se situaient davantage du côté des séries plus intellectuelles, avec quantité d’explications et de mises en situation à caractère scientifique, des oeuvres telles qu’Andromeda et Farscape fonctionnaient sur le même principe que Firefly. Ce qui frappe, toutefois, dans la série de Joss Whedon, c’est la qualité des interactions entre les personnages. Ceux-ci sont, à défaut d’un meilleur terme, humains. Ils s’engueulent, rigolent, on des secrets… les répliques fusent, et les acteurs semblent si à l’aise entre eux qu’on a l’impression d’être véritablement à bord d’un vaisseau cargo tenant avec de la ficelle et bien de l’optimisme, aux confins de la civilisation humaine.
Le contexte scénaristique est différent, mais cette chimie ne peut être retrouvée que dans une poignée d’autres séries de SF, principalement Stargate, ce qui en fait une exception bien appréciée.
La caméra est la qualité de l’image y sont certainement pour beaucoup. L’image est souvent sale, la caméra est nerveuse, efficace… la technique est similaire à l’univers mis au monde par les créateurs de la série. Dans Firefly, la technologie est présente, mais est souvent accessoire au lieu d’apparaître comme propre, neuve et aseptisée. Les habitants des confins du système solaire sont des colons, des défricheurs, qui vivotent du mieux qu’ils peuvent. Il faudra attendre les épisodes se déroulant sur les planètes centrales ou la visite des troupes de l’Alliance pour avoir l’impression que tout ce progrès vient en fait étouffer la joie de vivre et attaquer la liberté de ceux qui y vivent.
Paradoxalement, le succès de Firefly, après la diffusion des épisodes dans le désordre, vient peut-être justement de son annulation par la Fox alors même que la première saison n’était pas terminée. Sortie en DVD, puis en Blu-ray et enfin sur Netflix, la télésérie gagne des adeptes depuis, y compris avec la sortie, en 2005, du film Serenity, qui vient partiellement conclure l’arc narratif de l’univers.
Après tout, on compte un très grand nombre de séries ayant été étirées pendant trop longtemps, cumulant les saisons absolument sans intérêt jusqu’à ce que les téléspectateurs finissent par se lasser. Que serait-il arrivé si Firefly avait eu droit à deux saisons? À trois? Cinq? Peut-être que la magie serait disparue. Peut-être qu’aujourd’hui, les amateurs ne seraient pas aussi mordus et dévoués à un univers vieux d’une quinzaine d’années et qu’il est maintenant trop tard pour relancer. Qui sait?
Firefly est une excellente série, mais sombre peut-être trop dans la prophétie autoréalisatrice pour son propre bien. L’oeuvre (et le film) sont heureusement disponibles sur Netflix, pour que davantage de gens puissent au moins imaginer ce qui aurait pu exister, quelque part dans un univers parallèle.