Le célèbre cinéaste d’origine allemande démontre dans son documentaire Lo and Behold, Reveries of the Connected World ( 2016 ) projeté au Cinéma du Parc que l’avènement de l’informatique est indissociable d’un imaginaire collectif.
« Ce n’est pas de savoir si ça va arriver, mais de savoir quand ça va arriver », affirme une scientifique qui étudie les tempêtes solaires. Ce raisonnement semble être un pendant de la théorie de la relativité du célèbre Physicien Albert Einstein, comme s’il y avait une activité au-delà et en deçà de la conscience humaine. Une activité impérative. Ainsi, le seul pouvoir dont l’humanité dispose serait de connaître le délai avant l’impact, une sorte de décompte avant que le vent solaire vienne neutraliser tous les circuits électriques sur Terre. Une panne de courant qui signifie la cessation de l’accès à Internet. Pensons à la crise du verglas en 1998.
La scientifique à l’allure marginale, vêtue à la mode avec des tatouages colorés sur les bras, ne parle pas d’«Apocalypse», mais la fatalité de son raisonnement ouvre la porte aux fantaisies de la conscience humaine. Par exemple, un scientifique nous explique à quel point ce serait merveilleux que la lumière s’allume automatiquement lorsqu’on entre chez soi. Puis, on s’imagine entrant à la noirceur blasphémant parce qu’on ne trouve pas la bonne clé et blasphémant à nouveau parce qu’on ne trouve pas l’interrupteur. Eurêka ! Si la lumière s’allume automatiquement, la porte peut s’ouvrir automatiquement aussi. Grâce à la même technologie !
Les titans de l’informatique interviewés jonglent avec ce genre de raisonnement « qui nous prend par-derrière », ce qui finit par être logique. L’un d’entre eux évoque la Grèce antique afin de tracer une continuité normale du savoir. Entre La République de Platon et les États-Unis du XXIe siècle, il doit bien y avoir quelques pages d’histoire disparates ? Peu importe, de la création d’Internet à la vie sur Mars en passant par la robotique, ce qui a du sens c’est la duplication d’un mode de vie idéal. « Je ne peux pas imaginer une laveuse qui tombe en amour avec une sécheuse », nous rassure un professeur universitaire parmi les plus intelligents au monde.
Le documentariste ne fait pas que nous présenter des personnages bizarroïdes forts sympathiques que les émissions télévisées Family Matters ( 1989 – 1998 ) et The Big Bang Theory ( 2007 – ) nous ont appris à intégrer dans notre quotidien. Il rend également visite aux victimes : les gens allergiques aux ondes émises par les appareils électroniques et les adeptes de jeux vidéo en cure de désintoxication électronique. À plusieurs reprises, il nous montre les génies en train de délirer.
Werner Herzog nous dresse un portrait tangible des nouvelles technologies et de leurs artisans en les limitant non pas à l’Amérique, mais à la culture américaine bien campée sur son territoire. Son ton sarcastique arrive à rendre le « péquenot qui joue du banjo » savant. Un film d’humour noir où on rit jaune, finalement.
La brute
Plusieurs jeunes femmes utilisent le média social Facebook pour diffuser des photographies « sexy » d’elles-mêmes. En tant qu’utilisateur, doit-on cliquer « j’aime » parce qu’on apprécie cette exhibition soudaine, pour encourager leur estime de soi ou éviter qu’elles soient complexées davantage, ou encore désapprouver ce geste narcissique ?
La chroniqueuse du fameux magazine Vanity Fair, Nancy Jo Sales a interviewé plus de 200 jeunes filles américaines dans son ouvrage American Girls : Social Media and the Secret Lives of Teenagers au sujet de l’hypersexualisation dans la culture des médias sociaux, rapporte l’auteure d’ouvrages Zoë Heller dans le New York Review of Books, à paraître le 18 août. Rappelons que le fameux magazine était à l’avant-garde de la représentation du nu féminin en publiant les photographies prises par Annie Leibovitz de l’actrice Demi Moore enceinte en 1991 et après son accouchement, sous un complet-cravate peint, en 1992.
« Les filles américaines devraient figurer parmi les plus privilégiées et couronnées de succès au monde », écrit Nancy Jo Sales. Par contre, à cause de toutes les heures qu’elles passent chaque jour dans la culture en ligne qui les traite en objet sexuel, elles sont probablement moins en contrôle de leur vie personnelle que leurs mères il y a trente ans, compare-t-elle.
L’idée d’être « en contrôle » de sa « nature sexy » est un thème récurrent dans l’ouvrage, note la Zoë Heller. Un bon nombre de filles qu’elle a rencontrées ont rejeté avec véhémence la notion d’oppression ou d’être l’objet des médias sociaux. Au contraire, elles lui ont confié qu’elles sont fières d’apparaître « sexy » à l’écran. Leur représentation très sexualisée est une expression libre de l’affirmation de leur corps. Naturellement, l’auteure ne se laisse pas persuader par ces confidences, note Zoë Heller.
Le fait d’être la « fille que tout le monde veut baiser », se mesurant par le nombre de « j’aime » sur Facebook par exemple, pourrait être qualifié d’aspiration féministe audacieuse. Dans la mesure où, suggère Nancy Jo Sales, l’exploitation sexuelle d’antan a été vendue aux adolescentes comme étant leur propre choix d’affirmation sexuelle.
L’apparence d’internet, la Toile, s’apparente à un vêtement qui rétrécit en fonction des connexions, apprend-on dans le documentaire projeté au cinéma du Parc.
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