L’économiste Joseph Stiglitz a renoncé à la commission d’enquête sur les « Panama Papers » vendredi, d’après Reuters, alors que l’ex-gouverneur de la banque d’Angleterre, Mervyn King analyse la campagne du Brexit dans le New York Review of Books, à paraître le 18 août. Le manque de transparence est une chose, mais le fait qu’une élite s’aliène l’ensemble des citoyens en est une autre.
Le scandale des « Panama Papers » du mois d’avril dénombrait plus d’1,5 million de documents révélant des informations détaillées sur des cas d’évasions fiscales, de par la firme d’avocats panaméenne Mossack Fonseca. Parmi les gens riches et puissants qui employaient ce stratagème pour ne pas payer d’impôts dans le pays où ils vivent, certains blanchissaient de l’argent provenant de la vente d’armes ou de la vente de drogues. En enquêtant, le professeur de droit criminel à l’Université de Basel et expert anticorruption, Mark Pieth pouvait démontrer qu’un réseau de prostitution juvénile y blanchissait de l’argent.
À la suite du refus du gouvernement panaméen de rendre les résultats de l’enquête publique, l’économiste Joseph Stiglitz de même que l’expert anticorruption Mark Pieth ont décidé de quitter la commission face à ce manque de transparence. Pourtant, lors d’une rencontre préliminaire dans la ville de New York les 4 et 5 juin, il y avait consensus sur le fait que le gouvernement du Panama allait rendre le rapport final public, peu importe le résultat, ont affirmé M. Stiglitz et M. Pieth.
Les sept membres de la commission ont reçu une lettre de la part des autorités stipulant qu’ils reviennent sur leur engagement, poursuivent-ils. L’ex-administrateur du canal de Panama et membre de la commission d’enquête, Alberto Aleman a rejeté l’allégation du manque de transparence affirmant que les cinq membres restants, dont quatre sont d’origine panaméenne, allaient poursuivre le travail.
Géographie unitaire
L’ex-gouverneur de la banque d’Angleterre, Mervyn King introduit d’emblée le clivage entre la classe politique, quasiment une élite métropolitaine, et la majeure partie de la population écartée de la prospérité économique centrée à Londres et privée de ses droits par un discours « politically correct ». Par conséquent, le sentiment d’insécurité a augmenté pendant les dernières années, en partie à cause de l’impact de la mondialisation sur les salaires réels et sur l’immigration augmentée. Un phénomène observable dans plusieurs pays industrialisés, soutient-il.
M. King qualifie la campagne du Brexit de guerre de propagande. D’abord, la presse officielle de même que la presse tabloïd ont défendu leurs intérêts commerciaux dans leurs pages. Ensuite, le débat a occulté deux questions essentielles : à quoi ressemblera l’Union européenne ( UE ) dans le futur? et quelle est la place du Royaume-Uni en Europe? Il rappelle le fait indéniable qu’aucun politicien ne peut changer la géographie du continent européen, même s’il arrive à changer l’histoire.
À l’exemple de l’intervention britannique pendant la Deuxième Guerre, le rôle historique du Royaume-Uni est de prévenir l’émergence d’un pouvoir dominant sur le continent, défend-il. Même si l’île britannique partage une histoire, une culture et des valeurs communes avec les pays continentaux, il serait impertinent qu’un pays qui a refusé la monnaie unique et de faire partie de l’espace Schengen dicte la marche à suivre à l’UE.
Dans son ouvrage The End of Alchemy, l’ex-banquier énumère quatre solutions afin de mettre un terme à l’échec de maintenir la concurrence à l’intérieur de la zone euro, où on utilise la monnaie unique. Les chefs européens ont refusé les solutions économiques avancées en adoptant une stratégie confondante pour se tirer d’affaire, tout en croisant les doigts. La solution miracle n’est pas toujours survenue, déplore-t-il.
En réaction au Brexit, ceux qui dénoncent le nationalisme devraient se rendre compte que la tentative de la part d’une élite d’imposer une union politique et un mouvement de population libre sans appui électoral est aujourd’hui la principale force des nationalistes extrémistes, compare l’ex-banquier. Cette opposition réelle dont les membres de l’UE ont en horreur.
Les Américains doivent renoncer à leur hypothèse confortable faisant d’un appareil supranational l’unique voie pour assurer la paix et la coopération avec leur partenaire européen, affirme-t-il.
Antilibéralisme
Le président russe Vladimir Poutine est devenu le porte-étendard d’une alternative en matière de gouvernance, « l’idéologie de l’ordre », à laquelle vient se greffer le candidat à la présidence américaine Donald Trump, d’après le collaborateur Jochen Bittner du New York Times, le 1er août.
À la base, l’idée est que la démocratie libérale et les lois internationales n’ont pas respecté leurs promesses envers les citoyens. La mondialisation serait en cause par l’ouverture des frontières et le libre-échange, deux mesures responsables de la disparition des emplois et de l’immigration de masse. Au niveau de la société, il y aurait une crise morale amenant les citoyens à se rabattre sur leurs institutions afin de légaliser la marijuana et l’union des conjoints de même sexe, donne en exemple le journaliste. À l’échelle internationale, les adeptes russes croient que les interventions américaines en Ukraine en 2014 se résument à une volonté hypocrite de se rapprocher de la frontière russe, illustre le journaliste.
L’idéologie de l’ordre se définit par son opposé, l’objet de sa critique : la mondialisation. Ses adeptes accordent de la valeur à la stabilité avant la démocratie afin de s’opposer au « laisser-faire » de l’Occident. Cette « idéologie de l’ordre » est idéologique sans vraiment être une idéologie, spécifie le journaliste. Telle l’improvisation du candidat républicain Donald Trump aux discours changeants, pragmatiques et cyniques, le but est de s’adapter aux circonstances.
À l’instar du développement d’institutions progressistes par le président américain Franklin D. Roosevelt et les chefs d’État européens après la Deuxième Guerre, le journaliste Jochen Bittner recommande aux Occidentaux de faire de même afin de réduire cette pseudo-idéologie à l’absurde.
À la lumière de ces analyses, la candidate à la présidence Hillary Clinton gagnerait à laisser plus de place au « socialisme » de l’ex-candidat, Bernie Sanders, comme le président François Hollande gagnerait à renouer avec ses électeurs, par le « socialisme » par exemple.