Nouvelle série-phénomène, Stranger Things prouve encore une fois que la plateforme Netflix peut présenter du contenu aussi bon, sinon meilleur que les chaînes traditionnelles.
Novembre 1983. Dans la petite ville de Hawkins, en Indiana, le jeune Will disparaît après une partie de Donjons et Dragons avec des amis. Pendant ce temps, dans un laboratoire de recherche situé non loin de là, des scientifiques et des « hommes du gouvernement » à l’air menaçant sont aux prises avec ce qui semble être une expérience qui a mal tourné. Ces deux branches scénaristiques se combineront pour donner de l’excellente télévision, autant en ce qui concerne l’histoire, la distribution, le jeu des acteurs ou encore la musique.
Il ne faut néanmoins pas se leurrer: les histoires de monstres incorporant également la disparition d’un ou plusieurs personnages sont légion dans le cinéma et la télévision américaine depuis les années 1970, voire les années 1960. Durant les années 1970 et 1980, l’éclatement de la scène cinématographique et l’accroissement de l’intérêt du public pour des productions d’horreur faisant appel à des effets spéciaux parfois à petit budget, mais aussi parfois drôlement audacieux, a donné naissance à des classiques du genre, tels Alien, The Thing, ou encore des films d’aventures à la Goonies, et dont Stranger Things s’inspire largement.
De fait, tout, dans les huit épisodes formant la première saison de la série, hurle son appartenance aux années 1980: la crainte de l’étranger (et donc des communistes), l’ambiance sociopolitique des années Reagan, les jouets Star Wars, la romance adolescente de John Hughes, la musique s’appuyant lourdement sur les synthétiseurs… On imagine bien un clin d’oeil aux X-Files, qui remontent plutôt aux années 1990, mais l’univers de Stranger Things ressemble à un portrait de l’Amérique typique. Si l’on fait exception des conspirations, des disparitions, des meurtres, et du monstre.
Car monstre il y a, et la créature animée par ordinateur – probablement la seule concession à la modernité, cela et le tournage en haute définition – hante les bois et les sombres corridors de Hawkins, dont les habitants vivront une semaine riche en émotions et en hémoglobine. Mieux vaut éviter les divûlgacheurs pour éviter de priver le public du plaisir de découvrir l’intrigue par lui-même, mais suffit de savoir que la télésérie créée, scénarisée et tournée par les frères Matt et Ross Duffer redonne ses lettres de noblesses au suspense, un genre quelque peu délaissé au profit des drames de moeurs, ou encore des aventures fantastiques rassemblant nains, zombies glacés et dragons.
Du côté de la distribution, l’équipe a décidé de faire une place de choix à l’actrice Winona Ryder, dans la peau de Joyce Byers, la mère du petit Will qui passera les huit épisodes à flirter avec la folie, alors que les coïncidences étranges et les faux hasards surnaturels se multiplient. Saluons aussi la performance de David Harbour, qui interprète Jim Hopper, le shérif un peu largué de la ville qui ne s’est jamais vraiment remis de la mort de sa petite Sarah. Aux premiers abords peu dégourdi, Hopper finira par remonter lentement, mais sûrement, la piste de la disparition de Will et de la multiplication des cadavres à Hawkins.
Ceux qui volent la vedette, toutefois, ce sont les trois amis de Will, Dustin, Mike et Lucas, ainsi qu’Eleven, une petite fille s’étant enfuie d’un laboratoire de recherche gouvernemental et possédant d’étranges pouvoirs. Si les enfants sont hélas trop souvent mauvais acteurs du fait de leur jeune âge, ceux de Stranger Things s’en tirent haut la main. Vifs d’esprit, débrouillards, drôles, courageux, mais aussi capables de s’emporter et de jurer dans certaines circonstances, les trois petits garçons sont adorables. Quant à Millie Bobby Brown, qui joue Eleven, son rôle est plus réservé, mais elle réussit sans problème à faire passer son message uniquement par son regard. La décision des scénaristes de la « garder dans l’ombre », si l’on peut l’exprimer ainsi, est sans doute plus efficace que si son rôle avait compris de très longues répliques.
Stranger Things n’atteint pas la perfection, et tel n’était probablement pas l’objectif des créateurs. Mais c’est de la bonne, de la très bonne télé comme il s’en fait trop peu aujourd’hui. Une histoire ni trop complexe, ni trop simple, des acteurs très solides, et un scénario qui tient bien la route. Le public ne demande pas grand chose de plus, et l’équipe de production a su jouer sur ses forces pour améliorer le plus possible le produit dont elle disposait, au lieu de s’éparpiller en tentant de multiplier les coups d’esbroufe télévisuelle.
Une autre preuve que lorsque Netflix sait trouver de bonnes idées, le résultat est presque toujours particulièrement réussi.