Pieuvre.ca a sillonné pendant huit jours la capitale au nord du 64e parallèle. Là, où les 120 000 habitants veillent à préserver des îlots d’éloignement à même la ville.
Au nord-est de la cité, derrière un quartier industriel constitué de stationnements et de garages disparates, il y a un long quai pour accueillir les bateaux de croisière à côté d’un plus petit où on prend le traversier. Le bateau à cale rouge ne fait que nous déposer en face. Sans tenir compte des deux bâtiments anciens aux toits noirs, une maison et une chapelle, l’île recouverte de verdure semble bien banale.
L’île Viðey doit sa popularité à l’artiste Yoko Ono. Chercher la Tour Imagine Peace en hommage au défunt Beatles John Lennon est un prétexte pour s’y rendre. Cependant, la petite tour blanche est vite oubliée lorsqu’on parcourt les sentiers en serpentins aux grands vents de cette île bordée par le littoral urbain d’un côté et le sauvage de l’autre. Ces montagnes obscures avec leurs taches de neige immaculée.
Il y a un million d’années, l’île de 1,6 km2 était un volcan actif. Découverte par des religieux, il s’agissait du deuxième plus riche monastère en Islande avant l’attaque en 1539 des soldats danois pendant la Réforme protestante. L’homme le plus puissant d’Islande pendant un demi-siècle, Skúli Magnússon a fait construire la maison en 1755 comme résidence.
Après son décès, son fils Magnús Stephensen a racheté l’île à l’État royal en 1817. Il y a installé une presse qui a fonctionné de 1819 à 1844. Appartenant à la famille Stephensen jusqu’à ce qu’elle soit désertée en 1943, l’île comprenait toutes les infrastructures pour la pêche au moment où Reykjavík n’avait pas encore de port.
Aujourd’hui, la maison appartient à la ville qui l’a reconvertie en restaurant servant des « fish and chips » et des gaufres islandaises. L’île demeure un refuge pour les oiseaux, désormais marquée par l’œuvre de « land art » de l’artiste américain Richard Serra.
Avec votre billet de retour, le capitaine du traversier peut vous déposer dans le port au centre-ville, non loin de la bibliothèque.
Ísafjarðardjúp
Au dernier étage de la bibliothèque municipale, le musée de la photographie présente l’exposition « Vanishing Culture – West Fjords » du photographe Þorvaldur Örn Kristmundsson jusqu’au 11 septembre. Ce dernier s’est rendu dans la région éloignée du nord-ouest de l’Islande afin de prendre des clichés en noir et blanc du mode de vie de ses habitants.
Il y a un peu plus de 100 ans, les mers de cette péninsule regorgeaient de poissons, la nourriture était abondante. Les résidents aimaient aller danser dans les nombreux centres communautaires jusqu’à tard dans la nuit. Pendant la seconde moitié du 20e siècle, les progrès de la mécanisation et du système de transport ont miné l’esprit de communauté.
La péninsule s’est vidée de sa population malgré les efforts du gouvernement pour la maintenir en place. La poignée de fermes qui s’accrochent à cette terre et les quelques résistants au milieu d’une étendue jadis foulée par plusieurs de leurs semblables témoignent par la photographie de cet âge d’or. L’attrait de cette exposition se trouve surtout dans ce qu’on ne voit pas ou plus : la communauté d’Ísafjarðardjúp.
Café
Poursuivant la ballade vers le sud-ouest de Reykjavík, une vieille église nous transporte dans une autre époque le temps de passer devant. Au coin, la rue Hofsvallagata se déroule dans un quartier résidentiel qui fait oublier les commodités touristiques du centre-ville. Lorsqu’on aperçoit la mer briller au loin, nous sommes déjà ailleurs.
L’architecture de la petite épicerie Melabúðin pourrait s’insérer dans le dessin animé Les Jetsons, et le poulet rôti de sa grande affiche Coca-Cola rétro laisse croire au surréalisme. À quelques pas, un stand à hot dog anachronique a pignon sur rue. Le café Kaffihús Vesturbæjar occupe la moitié sud d’un édifice commercial des plus banals de l’autre côté de la rue.
« Nous sommes les premiers à avoir ouvert un café à l’extérieur du centre, ça va faire deux ans en octobre », me confie la serveuse du café de la rue Melhagi. Les cafés de la cité sont de magnifiques oasis meublées d’antiquités où on déjeune, dîne toutes les heures et prend un verre en fin de soirée. « Avant c’était un quartier de pêcheurs, le quartier change », poursuit-elle, enthousiaste.
Après avoir bu une boisson de malt ou une orangeade – deux boissons produites par la compagnie Egils qui les embouteille mélangées dans le temps des fêtes d’après le serveur – la ballade continue au bas de la rue, le long du littoral, jusqu’au campus universitaire.
Les Islandais n’ont pas écarté les sentiers en serpentins et les boisés sauvages dans l’aménagement de leur capitale.
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Photos: René-Maxime Parent