Petite vedette de l’EuroScience Open Forum (#ESOF2016), la convention scientifique européenne biennale qui se déroulait récemment à Manchester – nommée en mémoire de la découverte nobélisée « Graphene City » – le graphène a fait des petits : fluorographène, graphane, MoS2 (bisulfure de molybdène), etc. Des matériaux 2D à structure de cristal qui s’annoncent déjà « aussi révolutionnaires que le graphène ».
Souvenez-vous de ce « vieux » matériau constitué d’une nano couche de carbone et doté de nombreuses qualités : tellement flexible, conducteur, résistant, transparent et imperméable qu’un superlatif n’attendait pas l’autre à l’époque de sa découverte : un « super matériau », un « matériau miracle » ou encore un « matériau révolutionnaire ».
Beaucoup d’encre a coulé depuis sa découverte en octobre 2004 et pourtant, le matériau « de l’avenir » présente toujours un futur incertain quant à ses applications. Pour augmenter la résistance, cet additif recouvre déjà de l’équipement de sport ou se marie avec des tissus. Plus récemment, de minuscules filaments de graphène illuminent la plus petite ampoule du monde ce qui s’annonce déjà prometteur pour la photonique intégrée dans les puces électroniques.
Feuillet et rubans nanos
C’est à la pointe de la mine de crayon que le graphite, réduit en une couche atomique à structure de nid d’abeille, se dresse en un feuillet de carbone minuscule. Bienvenue dans le monde du nano ultrarésistant et (bientôt) malléable, à l’image de ces kirigamis de graphène – petits découpages à l’inspiration japonaise – réalisés par des chercheurs de l’Université Cornell.
Des chercheurs ont également découvert que le graphène se détache, à l’aide de multiples ponctions à la mine de diamant, en de minuscules rubans se repliant sur eux-mêmes de manière incontrôlée. Ils pourraient être intégrés dans la prochaine génération de circuits électroniques. Pour l’instant, les chercheurs ne sont pas encore capables de les contrôler pour les plier comme ils le désirent – ils y travaillent.
Loin de la 3D et de ses imprimantes, les matériaux 2D – et le graphène en tête – constituent le monde des alliances. Rendre imperméables, conducteurs ou résistants – sans doute, pour l’instant, là où le graphène est le plus utilisé – les autres matériaux à travers des mariages à l’échelle atomique qui dopent leurs performances et ouvre des portes inédites au graphène alors qu’il cherche encore des applications plus essentielles que la couche anticorrosion des voitures.
Les fils du graphène
En alliant le graphène avec d’autres matériaux, présentant d’autres caractéristiques, la nouvelle génération des matériaux 2D promet aussi beaucoup. Tout cela grâce aux interactions électriques entre les atomes des matériaux (force de Van der Waals).
Le fluorographène, par exemple, lie chaque atome de fluor à un atome de graphène pour créer un fluorocarbone résistant à la chaleur et isolant électrique – alors que le graphène a pour propriété d’être un excellent conducteur d’énergie.
Le rejeton modifié du supermatériau pourrait trouver aussi un usage utile dans le monde de la détection pour construire des capteurs sensibles à l’ammoniaque, gaz incolore et irritant utilisé comme réfrigérant. Ce nitrure d’hydrogène viendrait lier ses ions d’hydrogène à ceux du fluor, ce qui modifierait le matériau et servirait ainsi de détecteur.
Le graphane, matériau dérivé du graphène où chaque atome de carbone s’associe à un atome d’hydrogène, pourrait justement devenir un élément de stockage de cet élément utile pour les piles à combustible à dihydrogène – une utilisation au coût encore trop élevé. Les autres applications actuellement explorées touchent la nanoélectronique et le stockage de données.
Les remplaçants
« MXene ». Même si son nom est difficile à prononcer, ce feuillet de carbure de titane (Ti3C2), né dans les laboratoires de l’Institut Dresel des Nanotechnologies, ne rêve rien de moins que de remplacer le graphène. Sa famille grande de 60 composés capables de se réduire à la grosseur d’un seul atome d’épaisseur promet flexibilité, stockage d’énergie et bien d’autres choses encore.
Il y a aussi cette équipe de l’Institut des matériaux Jean Rouxel de l’université de Nantes qui travaille sur les plastiques conjugués à une échelle nano pour constituer des feuillets minuscules aux multiples qualités. Pour l’instant, c’est là aussi encore l’heure des tâtonnements du côté des applications.
À l’heure où le Brexit éloigne la Grande-Bretagne du reste de l’Europe, l’équipe de recherche devra se tourner vers des alliés plus lointains, telle la Chine, qui investit depuis quelque temps déjà dans la postérité de cette vedette de la physique des matériaux. Le graphène n’en finit pourtant pas de faire languir ses adeptes, et les autres.