Nos coups de crayon sont des mines d’information pour les chercheurs du laboratoire Scribens – « en écrivant » en latin – à l’École Polytechnique de Montréal. « C’est quoi un coup de crayon ? Une combinaison de paramètres – vitesse, contrôle des mouvements, etc. – qui se traduisent mathématiquement. Une sorte d’empreinte personnelle évoluant avec nous », remarque le Pr Réjean Plamondon, le responsable de Scribens.
Les premières recherches de l’équipe portent sur la vérification de sécurité des signatures, ce qui pousse les chercheurs à modéliser ce qui se passe du cerveau à la main lorsqu’une personne écrit. L’impulsion liée au temps de réponse du cerveau, le contrôle neuromoteur de la main et celui de la vitesse d’écriture, de nombreux paramètres se combinent pour réaliser les différents mouvements nécessaires.
Une signature comporte jusqu’à 460 variations naturelles ou points d’entrée log. Il est donc possible de représenter un tracé représentatif – de sa « log-normalité » – de la signature d’une personne. « Même si elle ne semble jamais tout à fait pareille à l’œil, une signature est assez stable dans sa composition : une suite de courbes qui forme le pedigree de la personne à un moment t », soutient le Pr Plamondon.
Pourquoi, alors, ne pas reproduire les gestes de manière informatique, afin de déduire les différents paramètres révélateurs du contrôle des mouvements – particulièrement de la motricité fine – et donc du bon fonctionnement du cerveau de celui qui pousse le crayon?
Chez un groupe d’enfants, dont la moitié avait un trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), les chercheurs ont relevé que les tracés des jeunes touchés par ce trouble étaient irréguliers, contrairement aux autres. Cette première découverte a poussé l’équipe du Pr Plamondon à s’intéresser aux patients atteints de commotions cérébrales et aux personnes qui développent la maladie de Parkinson.
« Les différences de tracé nous informent sur la bonne santé du cerveau. Un dépistage non invasif, qu’il sera possible de faire avec une simple tablette informatique ou même de réaliser des suivis pour voir si les parkinsoniens réagissent bien à leur médication », relève le Pr Plamondon.
Lorsque le trait tremble
La maladie de Parkinson affecte la coordination des mouvements. Les personnes atteintes peuvent développer un tremblement – le symptôme le plus connu et associé à la maladie – et une micrographie. Les patients changent alors d’écriture qui devient minuscule et illisible. « Cette maladie très complexe renferme une constellation de symptômes et le tremblement, très graduel, n’affectera pas tous les malades », souligne le neurologue spécialisé en troubles du mouvement de l’Hôpital Notre-Dame, Philippe Huot.
Les symptômes, qui vont des raideurs musculaires au ralentissement des mouvements (bradykinésie), en passant par la perte de l’odorat ou du sommeil, viennent brouiller les cartes. « Cela pourrait être un outil des plus utiles pour détecter des changements – qu’il faudrait valider avec diverses cohortes de patients – mais pour un diagnostic, cela ne peut pas se faire simplement sur un coup de crayon », sanctionne le Pr Philippe Huot.