Déjà lauréat de plusieurs prix, dont un à Cannes dans le volet Un Certain regard, Captain Fantastic semble déployer tout le charme indie habituel. Le seul problème, c’est que sa superficialité l’emporte rapidement et nous fait découvrir que derrière ses désirs de nous ouvrir l’esprit se cache une absence assez frustrante de profondeur, y allant d’une ironie flagrante qui dérange plutôt qu’elle ne charme.
Little Miss Sunshine rencontre Into The Wild, à l’exception que Matt Ross, pour son deuxième long-métrage, n’a pas tout le talent nécessaire pour garder le fort de sa production qui sent le positivisme et les conventions à plein nez. C’est la comédie dramatique par excellence qui fait passer l’étrange pour la voie à suivre et qui pousse les uns les autres à vouloir être différents plutôt qu’à se fondre à la masse.
Il faut toutefois plus qu’un portrait et la mention de Noam Chomsky pour véritablement prouver sa thèse et c’est là que Captain Fantastic finit par toujours être diablement superficiel et en dilemme constant avec ses propres idéaux, n’en déplaise à sa franchise et son honnêteté qui s’avèrent parmi les plus désarmantes depuis belle lurette. Construit dans une forme narrative classique en quatre actes, il faut passer par plusieurs mises en contexte pour trouver un certain équilibre dans la dure réalité de ce père désormais seul qui essaie d’élever à sa façon ses six enfants dans la forêt, loin de tous les diktats de la société moderne.
Ça semble original et jusqu’à un certain point ça l’est, surtout lorsque c’est mené avec brio par un Viggo Mortensen aussi authentique que déchiré. Bien sûr, il faut passer par les clichés typiques du road movie alors qu’ils se dirigent aux funérailles de leur mère défunte, permettant au passage des interprétations modestes et sympathiques de gueules connues comme Kathryn Hahn, Steve Zahn et Missi Pyle, évoquant les chocs de mentalité abordés dans le Away We Go de Sam Mendes.
C’est toutefois dans le magnifique troisième acte que tout se concrétise. Les enfants trouvent enfin leur voie et les confrontations sont admirables, en plus de compter sur la présence nécessaire du démoniaque Frank Langella et de la ô combien touchante et naturelle Ann Dowd. Les vérités éclatent et la justesse est à son comble.
Ensuite, tout dégringole à nouveau et le très long épilogue culmine en un prêchi-prêcha d’excès et de bons sentiments qui sonnent tous plus faux les uns que les autres, à défaut de probablement berner au passage plus d’un spectateur qui ne verra pas là la contradiction même de tout ce qu’on a pu élaborer précédemment.
On suppose que c’est là que se trouve le questionnement le plus rigoureux et ambiguë de l’ensemble, soit d’avoir comme protagoniste un être aussi déplorable que réfléchi, poussant le spectateur à s’y attacher alors que la majorité de ses actions sont à remettre en question. L’absence d’objectivité, encore plus flagrante dans son horrible symbolisme, empêche l’œuvre de couler avec fluidité dans les méandres du bonheur comme il aimerait qu’on le fasse en chantant, dansant et tapant des mains. Dommage que pour les nombreux sceptiques l’œuvre en demi-teinte ne fonctionne finalement qu’à moitié s’avérant bien loin du manifeste de changement qu’il semble prôner. À force de vouloir être différent, Captain Fantastic est finalement aussi imparfait et ordinaire que nous, n’en déplaise à toutes les différentes avenues qui auraient pu nous prouver le contraire, mais qui ne sont ici que pratiquement jamais empruntées.
6/10
Captain Fantastic prend l’affiche ce vendredi 22 juillet.