Mathilde Perallat
Associer ballet et jonglerie ne viendrait peut-être pas naturellement à tout le monde, et pourtant! Les deux disciplines ont plus de similitudes qu’on pourrait le croire. Les voilà réunies sur scène dans le spectacle 4×4 Ephemeral Architecture de la compagnie Gandini Juggling dans le cadre du festival Montréal complètement cirque.
4 x 4 est ce que forment les quatre danseurs et quatre jongleurs pour créer un ensemble de formes géométriques et éphémères, chassés-croisés sur pointes entre les lancés de balles, massues et cerceaux. Pendant une heure, danseurs et jongleurs sont ensemble à la recherche de l’équilibre parfait, d’une création architecturale mouvante qui suivrait les principes de la géométrie. Sorte de kaléidoscope géant. Il semblerait que cette quête insatiable de la forme absolue résonne aussi bien dans la danse que dans le monde de la jonglerie.
Ballet de mains et de balles (massues ou cerceaux) autant que ballet classique, le mélange fonctionne. Les jongleurs n’ont d’ailleurs rien à envier aux danseurs, leur grâce et leur élégance sont égales à la celles de la danse classique. Le rendu est effectivement esthétiquement très beau. La lumière est très travaillée et permet – par exemple – des effets assez magiques d’ombres sur les cerceaux qui donnent l’effet de ralentis cinématographiques.
Humoristique aussi – c’est bien un spectacle du Royaume-Uni! Les intermèdes sont pleins d’humour absurde dont les Anglais sont spécialistes. Autodérision artistique et divagations sont de la partie.
La réponse à la question de savoir si le jonglage et la danse réussissent à se parler est évidente. Tous deux sont basés sur la rigueur, la précision et la concentration. La danseuse sur ses pointes après une pirouette doit retrouver l’équilibre tout comme le jongleur la balance avec ses balles. La coordination et la synchronisation sont aussi un point d’équilibre à trouver commun aux disciplines. Si on était tenté de penser que le ballet, une formation plus classique était caractérisée par la rigueur et le sérieux alors que la jonglerie serait colorée de plus de frivolité, 4 x 4 s’efforce de montrer que les rôles pourraient facilement être inversés.
La réponse à la question de la réussite du spectacle est moins avérée. La performance des danseurs n’est malheureusement pas à la hauteur de celle des jongleurs. C’est indéniablement un travail intéressant que nous propose Gandini Juggling en rassemblant danse et jonglage sur une même scène. Mais captivés par l’agilité et la virtuosité des jongleurs, ne finirait-on pas par remettre en question la présence même de danseurs de ballet? Et si le travail de recherche chorégraphique auprès du ballet avait pour résultat le fait que finalement on pourrait se passer de danseurs pour ne garder qu’un ballet des jongleurs? Car c’est bien la performance de jongle qui est la plus aboutie et la plus intéressante.
C’est un spectacle pour les amateurs de curiosités artistiques et pour ceux qui se demandent encore de quoi le cirque contemporain est capable de nos jours ! Très certainement ce spectacle est la preuve que le cirque n’a pas fini de pousser toujours plus les limites de son art. Et même si tout ne s’avère pas toujours une complète réussite, c’est tout de même une bonne nouvelle.