Peut-on faire du cinéma sans en être fou d’amour? Sans nécessairement être un grand débat, voilà une question qui restera toujours bien près de tout cycle de création cinématographique. Et ce petit projet aux abords aussi narcissiques qu’éducatifs, a muté en une œuvre anthologique essentielle non seulement pour les adeptes du grand cinéaste qu’est Brian de Palma, mais aussi pour tous ceux qui ont une affection simple ou amplifiée du septième art, que ce soit en tant que créateur ou spectateur.
Dans While We’re Young, le protagoniste du film de Noah Baumbach traîne pendant plus d’une décennie la création d’un documentaire puisqu’il ne sait plus comment organiser ses nombreuses heures d’entrevue avec son intervenant principal. Quand la réalité rencontre la fiction, on trouve ici de Palma qui parle pendant une semaine à Noah Baumbach et à Jake Paltrow pendant une semaine en 2010.
Six ans plus tard, les trente heures de matériel accumulées deviennent un documentaire de deux heures aussi exhaustif que brillant et aussi fascinant que divertissant où un cinéaste qui a peut-être dépassé ses meilleures années créatives n’en demeure pas moins un conteur aux anecdotes acérées qui donnent une perspective nouvelle dans les coulisses de plusieurs des films, mais aussi des figures les plus marquantes de notre cinéma moderne.
De Scarface à The Untouchables, en passant par Carrie, Mission: Impossible et Blow Out, on croise également Robert de Niro et Steven Spielberg au passage pendant qu’on a envie de découvrir ou redécouvrir des films comme Sisters, Dressed to Kill, Casualties of War et Raising Cain. Avec une verve implacable et une documentation visuelle qui foudroie, le film est le tremplin idéal à Brian De Palma pour nous prouver qu’il a laissé sa marque avec panache.
Après tout, le deux heures du long-métrage n’est que lui qui va nous passer sa carrière au peigne fin donnant une multitude d’anecdotes savoureuses au passage (il faut l’entendre parler de Bernard Herrmann et Ennio Morricone notamment). Facile d’être rébarbatif à l’idée, mais autant savoir que le sujet en question est loin d’être ennuyant et que la passion l’emplie de toutes parts.
Il faut aussi comprendre que le travail de montage est exceptionnel et que la ligne directrice est tracée avec une adresse impressionnante. En y allant chronologiquement et en citant ses inspirations principales (son amour de Hitchcock en premier), on y trouve quelque chose d’aussi concret que cohérent qui permet de tout suivre avec facilité et d’y sentir une histoire qui lie tout ensemble, de quoi avoir pratiquement l’impression de visiter et de se faire expliquer l’esprit même du créateur au fur et à mesure qu’il s’adresse à nous.
Ainsi, Baumbach et Paltrow offrent un cadeau merveilleux à tous cinéphiles et une œuvre mémorable qui nous pousse à la fois dans la compréhension de notre amour le plus fou pour le septième art, mais aussi dans un grand questionnement à savoir : mais pourquoi encore lui consacre-t-on autant de temps de notre vie? Dans cette dualité entre la dureté de l’entreprise et les récompenses d’une des plus belles et folles formes de divertissement, toutes ses contres-parties qu’il peut amener au passage mises de côté, voilà un documentaire clé qu’il faudra ranger en exemple parmi les plus beaux portraits jamais réalisés.
À s’offrir juste parce que cela fait un bien fou.
8/10
De Palma prend l’affiche ce vendredi 15 juillet.
À noter que le Cinéma du Parc offre également une rétrospective de six films de Brian de Palma incluant, notamment, le très rare Phantom of the Paradise.